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congrès du GREPFA France, Les Sables d’Olonne (15-16 juin 2006) 1
M. PAVELKA, S. DENIZET Le plongeon dans le sac l’enveloppe humaine et matérielle de la médiation
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Dr Martin PAVELKA
Pédopsychiatre, Unité d‟Accueil Familial Thérapeutique, E.P.S. Barthélémy Durand, Sainte
Geneviève-des-Bois
Sylvie DENIZET
Infirmière psychiatrique, Unité d‟Accueil Familial Thérapeutique, E.P.S. Barthélémy Durand,
Sainte Geneviève-des-Bois
AXE n°3 « IDENTITE ENTRE FAMILLE D’ORIGINE ET FAMILLE D’ACCUEIL »
« Le plongeon dans le sac »
L’enveloppe matérielle et humaine de la médiation
Dans notre Unité d‟Accueil Familial Thérapeutique, qui fait partie d‟un secteur public de
Pédopsychiatrie de l‟Essonne nous soignons majoritairement les enfants qui ont dû être
séparés par le Juge de leurs parents, qui en raison de leurs graves troubles de parentalité,
imposent à leurs enfants les carences ou maltraitances, qui sont nocives dès le développement
précoce. Face aux troubles mentaux et troubles de personnalité des parents, notre objectif
premier est le soin et la prévention chez leurs enfants d‟une évolution vers un trouble grave
de la personnalité, vers un trouble envahissant, voire le repli autistique.
Les enfants de notre service sont accueillis de manière permanente continue - souvent depuis
le jeune âge - en familles d‟accueil. Parallèlement au soutien du lien d‟attachement avec les
accueillants, notre équipe met l‟accent sur l‟accompagnement aménagé des liens des enfants
avec leurs parents. Non pas parce que c‟est le droit, mais parce que l‟expérience montre que
cela contribue à l‟évolution favorable des enfants séparés.
Notre dispositif de soins inclut, quand c‟est indiqué, la pratique de médiation des
rencontres enfant/parents. C‟est sur ce point que nous nous focaliserons, sur le cadre et les
mécanismes d‟action préventive et thérapeutique de la médiation, de ce que nous avons
rebaptisé pour les besoins de cet atelier l‟enveloppe matérielle et humaine de la médiation.
Nous nous appuierons sur une vignette clinique. Notre expérience se base sur une activité
annuelle d‟une centaine de rencontres parents-enfants qui sont médiatisées par les soignants.
BREVE HISTOIRE DE LA SITUATION
Jean et Nelly ont aujourd‟hui 16 et 18 ans. Ils ont une sœur âgée de 22 ans qui n‟a pas été
suivie par notre service. Ils ont été tous les trois brusquement séparés de leurs parents, plus
d‟1 an et ½ après le premier signalement, par l‟ordonnance du juge à l‟age de 4 et 6 ans car ils
ont fait l‟objet d‟agissements incestuels induits par les troubles de la personnalité du père.
Nelly les a révélés dans ses dessins à l‟école. La dysparentalité de la mère est également
sévère en raison de la psychose déficitaire qu‟elle présente associée à l‟époque à l‟alcoolisme.
L‟installation de Jean et Nelly en famille d‟accueil à l‟âge de 7 et 9 ans a été lente, suite à une
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série de changements d‟accueils institutionnels qui précédaient leur admission dans notre
unité.
Les liens avec leurs parents ont été maintenus. Avec le père, dans un centre de rencontres
« agrée justice ». Avec la mère, les rencontres sont assurées par notre équipe. Le mode
relationnel de Nelly et Jean a été marqué par l‟idéalisation de leurs parents, phénomène que
développe Maurice BERGER. En effet, les enfants sont à cette époque dans l‟illusion et
l‟attente du retour chez les bons parents. Cette idéalisation est fort connue et il ne faut pas
en négliger sa puissance. Comme si, après une rupture brutale, sans préparation ni
accompagnement, l‟élaboration de la séparation avait été gelée et les enfants s‟étaient figés
dans l‟attente du passé idéalisé.
A cette époque, Jean présentait un retard global du développement, son niveau
d‟apprentissage a retardé son entrée au C.P. et son comportement exprimait des troubles de
personnalité plus profonds. A partir de son accueil en milieu familial, ses difficultés ont
évolué favorablement.
Nelly a dû retourner en maternelle après une tentative de C.P. devant son manque de maturité
pour les apprentissages scolaires, puis elle a redoublé son C.P. avec un projet d‟entrée dans
une classe spécialisée. Finalement, après l‟accueil en milieu familial, elle a commencé à
développer sa curiosité et à suivre, même si laborieusement, une scolarité ordinaire.
Leur mère a été suivie par un service de psychiatrie et fréquentait un hôpital de jour. Les
agissement sexuels du père n‟ont pas fait l‟objet d‟un jugement. Seule la mesure de
séparation protectrice (OPP) a été effectuée.
Et c‟est donc dans ce contexte familial, qu‟il y a 8 ans, nous avons commencé à médiatiser les
rencontres des enfants avec leur mère sur le mode qu‟on va détailler.
Mais d‟abord quelques remarques théoriques sur le lien pathologique.
LIEN ENFANT/PARENTS ET LA DYSPARENTALITE
Les personnes gravement dysparentales, souvent souffrant d‟une pathologie psychique, sont
défaillantes, selon les repères de Didier Houzel, 1/dans leur capacité de soin parental
quotidien, 2/dans la manière de penser l‟enfant et soi même et 3/dans l‟aptitude à tenir le
rôle social de parent.
La relation avec leur enfant est de nature à créer un attachement hautement pathologique.
Leur lien se tisse déjà avant la décision de séparation, peu importe sa précocité. Le
développement postnatal du bébé est non seulement entravé par les interactions
dysfonctionnelles mais il serait marqué déjà intra-utéro, comme le postule Suzanne Maiello,
où le fœtus a été exposé aux manifestations du monde psychique de sa mère et les aurait
engrangées voire mémorisées.
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Notre conception d‟accompagnement et de soin part de l‟idée que le lien entre ce type de
parents et leur petit comporte schématiquement deux aspects intriqués :
D‟abord un aspect favorable, touchant à la conception et transmission de la vie, fondateur
de l‟affiliation et de l‟assise identitaire, touchant à la question d‟origines qui dépassent la
vie individuelle de l‟enfant comme du parent. Cet aspect est souvent masqué et saboté par
le deuxième.
Ce deuxième est l‟aspect nocif, générateur de la pathologie du lien, et des
dysfonctionnements psychiques du bébé et de l‟enfant. Ceux-ci se renforcent à chaque
exposition à cette dysparentalité. Ils compromettent le développement de l‟espace psychique
de l‟enfant.
C‟est ce deuxième, l‟aspect nocif de la dysparentalité, avec l‟incapacité du parent, malgré
l‟aide, d‟établir une interaction dyadique favorable, qui appelle et justifie la décision de
séparation, avec l‟accueil de l‟enfant dans la famille suppléante. Cette séparation évite à
l‟enfant l‟aggravation de la psychopathologiques voire assure sa survie.
Toutefois, l‟acte de séparation protectrice seul non seulement n‟est pas soignant, mais il a
des effets secondaires dus à la rupture du lien, même pathologique. C‟est pourquoi il faut que
le moment même de la séparation soit préparé, accompagnée et travaillée, ce qui a manqué
chez Nelly et Jean. Mais, dans ces dysparentalités graves, la distanciation reste le préalable
à tout soin
C‟est la considération du premier aspect favorable du lien (touchant à l‟affiliation, l‟identité,
les origines) qui répond à la question - pourquoi, malgré les dangers, le maintien des
rencontres dans des conditions aménagés après la séparation est favorable pour l‟enfant ? Le
matériel clinique rassemblé en France mais aussi aux Etats-Unis, témoignent dans ce sens.
C‟est forts de ces constatations théorico-cliniques que nous soutenons l‟hypothèse de l‟impact
préventif et thérapeutique de lenveloppe matérielle et humaine que constitue la médiation.
JEAN, NELLY ET LEUR MERE
Revenons à notre exemple. Les rencontres médiatisées entre Jean, Nelly et leur mère durent
1 heure au rythme de 2 fois par mois dans une pièce de notre Unité, située dans un pavillon
individuel.
Pendant ces rencontres, il y avait plusieurs atmosphères, plusieurs ambiances, qui pouvaient
alterner de l‟une à l‟autre, que je vais tenter de vous transmettre.
La maman pouvait avoir des moments d‟absence psychique. Elle était assise parmi nous sans
contact visuel ni verbal. Elle ne montrait aucune curiosité en ce qui concernait leur quotidien
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et ils avaient beaucoup de mal à s‟écouter les uns les autres. Souvent dans ces moments-là,
Jean et Nelly étaient agités et se disputaient en tenant des propos blessants l‟un envers
l‟autre. Comme s‟ils cherchaient à faire réagir leur mère ou à la réanimer, Mais ces échanges
ne la faisaient pas changer de comportement.
A d‟autres moments, la mère et les enfants pouvaient avoir des mouvements de
revendication. Ils me disaient que je les dérangeais, que ça se passerait mieux si je n‟étais
pas là et qu‟ils n‟avaient pas besoin de moi. Qu‟1 heure de rencontre ce n‟était pas suffisant,
alors qu‟il arrivait à leur mère de montrer des signes d‟impatience au bout de quinze minutes.
Quant aux enfants, ils pouvaient dire qu‟ils ne savaient pas quoi faire, qu‟ils s‟ennuyaient. Dans
ces moments là je faisais l‟objet de projections hostiles, par exemple Jean et Nelly me
renvoyaient qu‟ils ne comprenaient pas mon métier, que je ne servais à rien et fréquemment
aussi ils me faisaient des remarques désagréables sur mon apparence physique et
vestimentaire ou encore me disaient que j‟étais folle.
Ces moments décrits ci-dessus alternaient avec des moments de « collage » sans mot entre
la mère et la fille. Par exemple, Nelly pouvait passer un long temps de la rencontre à coiffer
sa mère. Cela me surprenait toujours car Nelly ne semblait pas gênée et surtout ne semblait
pas s‟apercevoir de l‟aspect physique et vestimentaire très négligé de celle-ci. Cela semblait
être pour elles deux, un mode de relation familier et ancien qu‟elles remettaient en place à
chaque nouvelle rencontre. Le collage entre Nelly et sa mère semblait combler le vide de leur
relation. Nelly était comme « aspirée » par ce vide, comme si elle était incapable de penser et
d‟agir par elle-même.
Mais ce qui était très significatif, c‟était d‟autres moments où Madame ne montrait aucune
pudeur ni limite. Il lui arrivait de faire des confidences à ses enfants sur son intimité
(racontant son dernier rendez-vous amoureux) ou encore lorsqu‟on jouait aux petits chevaux,
elle pouvait érotiser ce jeu en insistant sur l‟expression « sauter » accompagné d‟une
excitation qui semblait la réveiller et la sortir de sa passivité. Ce climat, plus encore que les
autres, était source de sidération pour moi avec, on peut l‟imaginer, des effets similaires sur
les enfants.
Quant à Jean, son mode de relation avec sa mère était différent de celui de sa sœur. Il était
peu investi par elle. Il arrivait que Madame apporte un cadeau à Nelly sans en apporter à
Jean. Lors des premières rencontres médiatisées, Madame pouvait tourner le dos à Jean et
ne pas lui adresser la parole durant une longue période, comme si elle ne le voyait pas, qu‟il
n‟existait pas. Notons, que lors d‟un entretien, et probablement devant les enfants, Madame a
pu à la fois dire « je ne désirais pas de garçon » et « les garçons c‟est pas mon truc ».
Jean avait donc du mal à rester une heure entière dans la pièce. Il lui arrivait fréquemment
de sortir dans le couloir, il pouvait sauter au cou de la première personne qu‟il y rencontrait,
comme s‟il la connaissait depuis toujours. Jean avait aussi des difficultés pour se concentrer
et accepter les règles d‟un jeu. Il pouvait passer d‟une idée à l‟autre sans transition. Lors des
disputes, avec sa sœur, il se mettait très en colère et semblait débordé par ce qu‟il
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ressentait.
L’ENVELOPPE DE LA MÉDIATION SON CADRE ET SES EFFETS
Nous tenons à vous parler de l‟organisation concrète des rencontres médiatisées, du
contenant auquel nous tenons pour son effet soignant préventif et curatif, et qui permet à
tous les intéressés de faire avec les ambiances qu‟on vient de décrire.
Chacune des séquences du déroulement de la rencontre est pensée pour favoriser le soin,
favoriser au mieux chez l‟enfant la capacité très progressive de faire face et de soutenir,
puis rendre conscients les affects et les pensées survenues avant, pendant et après sa
rencontre avec ses parents. Il les a vécu bien avant la séparation protectrice mais n‟a pas pu
les intégrer.
D’abord, la rencontre n’est pas faite pour être le lieu d’échanges entre les
parents et la Famille d’accueil. Ce n’est pas le moment. L’architecture et la
circulation dans les locaux y sont adaptés.
Cela permet d‟éviter l‟expérience confuse générée par un
face-à-face Parents/FA en présence de l‟enfant.
Paradoxalement, c‟est une prévention du clivage entre les
deux espaces relationnels spécifiques, FA & parents, qu‟a
crée la séparation protectrice.
Quand cela arrive quand même par ex. chez un bébé, son
regard « valse » confusément et s‟accroche souvent sur un
tiers, comme une référente ou éducatrice. Quand l‟enfant
marche, le plus souvent il tente de quitter les lieux. On
s‟emploie à l‟éviter.
La famille d'accueil accompagne l’enfant 1/4 H avant le début dans la pièce
des Assistantes Maternelles par une entrée séparée.
Là a lieu un échange bref entre l’Assistante maternelle et les soignants
avant la rencontre.
Cet échange en sa présence tend à éviter à l‟enfant le
sentiment de discontinuité d‟étayage grâce à ce relais
d‟une référence adulte avant de voir ses parents.
La transition de l‟assistante vers les référents est
baignée de mots sur le quotidien immédiat qui font le lien
et enveloppent.
Chaque fois que nos moyens le permettent, nous préférons
aller chercher l‟enfant en Famille d‟accueil.
Quand l’Assistante familiale quitte les locaux l’enfant entre avec ses
référents dans la pièce de médiation.
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C‟est le temps d‟adaptation,
d‟ajustement psycho-affectif de
l‟enfant dans le lieu de la rencontre..
Les parents viennent en salle d’attente, seuls ou accompagnés de leurs
propres référents, qui eux n’assisteront pas à la rencontre.
Les parents ainsi bénéficient d‟appui disponible en arrière
plan. Car malgré leurs troubles, les « parents » ne sont pas
reçus par nous en tant que « patients ».
Pendant la rencontre il arrive que les parents vérifient
leur présence : « Sont-ils là ? », « Le taxi est-il arrivé ?
Un des référents vient à la rencontre des parents, l'autre restant auprès
de l’enfant.
Ces instants permettent une évaluation discrète de leur
état clinique. C‟est la prévention de la répétition
traumatique des interactions traumatiques en cas de
rechute des parents. Certains parents utilisent ce moment
pour parler d‟eux, leurs angoisses, ou pour contester le
Juge, défier les soignants, etc
Cela leur permet ensuite de mieux se contenir
devant l‟enfant et les interactions sont de meilleure
qualité.
Une fois, à cette occasion la mère de Nelly a montré aux
soignants la bande dessinée « Fluide glacial » qu‟elle a
apporté pour Jean. Les référents ont pu prévenir ce
passage à l‟acte incestuel, en l‟amenant à garder ce cadeau
qu‟elle a reçu pour elle, d‟une de ses connaissances. »
Ensuite le parent entre dans la pièce de médiation avec le référent qui l'a
accueilli et qui va rester tout au long de la rencontre.
A ce moment très important se joue pour l‟enfant la
confrontation à l‟image du parent (parfois effacée quand il
était absent longtemps) et pour le parent la confrontation
à son enfant réel, très différent de celui qu‟il porte dans
sa tête.
Ces moments où l‟enfant imaginaire qu‟ils viennent visiter
ne colle pas avec l‟enfant réel en face d‟eux, qui est mal
supporté voire non perçu, sont très fréquents et
nourrissent chez les parents les vécus persécutifs, de
perplexité ou d‟abandon.
La pièce est équipée selon l’âge de l’enfant et offre les moyens d’ajuster la
distance. (berceau, cosy, tapis, table basse, etc..
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Les jeux et jouets facilitent les interactions d‟un niveau
adapté à l‟âge de l‟enfant. Le berceau, cosy, tapis de jeu,
table basse permettent aux enfants de régler la distance
pour éviter l‟étau fusionnel.
Le déroulement de la rencontre suit les initiatives des parents et des
petits. Deux soignants présents permettent à l’enfant et aux parents de
bénéficier d’interlocuteurs distincts.
Le rôle des référents n‟est pas d‟initier mais de soutenir
les initiatives, si nécessaire. Ca reste quand même une
visite, une rencontre. Ce en quoi elle contribue au soin
c‟est ce que nous tenons autour de ce réel, en le
médiatisant.
La présence de deux référents s‟adapte à la
psychopathologie du parent d‟un côté et les initiatives de
l‟enfant de l‟autre. Si le parent devient par ex. hostile
avec un référent l‟enfant s‟appuie sur l‟autre, et l‟effet
filtrant, pare-excitant, qu‟il propose.
C‟est aussi la prévention de la rivalité parentenfant face
à un seul tiers.
A la fin, c’est le parent qui fait « au revoir » et sort le premier de la pièce
pour partir seul ou avec ses accompagnateurs.
Ce moment de la rencontre renvoie constamment à l‟acte
de séparation protectrice. Si on invitait l‟enfant de faire
« au revoir », on le pousserait à jouer un rôle actif dans ce
qui génère l‟angoisse de séparation ou d‟abandon, mêlé à la
culpabilité d‟abandonner et de ne pas soigner son parent.
Aussi, le départ du parent (qui rejoint ses référents)
n‟accentue pas la parentification de l‟enfant. Il nous
semble que ces dynamiques sont valables dès le premier
âge.
Une fois l’enfant seul avec ses référents, ils ont l’occasion d’évoquer
ensemble les contenus marquants de la rencontre qui méritent une évocation
explicite ou une clarification du sens.
Le fait qu‟il s‟agisse de référents connaissant son histoire,
et avec une expérience de la pathologie des parents, est
ici fondamental et différencie notre travail des
« rencontres accompagnées » dans le champ social.
C‟est un moment de verbalisation des aspects
significatifs nocifs ou nourrissants de la rencontre.
Un grand casier personnel est disponible pour chaque enfant, où peuvent
être entreposés les objets d’une rencontre à l’autre. Dessins, jouets.
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Y déposer les objets permet à l‟enfant de modérer leur
circulation entre l‟espace relationnel de la FA et le lieu de
rencontre de ses parents. Il s‟agit de dessins, jouets,
jeux, cartes, etc.
La famille d'accueil arrivera plus tard.
L‟arrivée de l‟Assistante familiale permet un nouvel
échange d‟"après-médiation" pendant lequel les référents
restent aussi discrets que possible sur le contenu de la
rencontre.
Après le départ de l‟enfant ils prennent un temps de post-
médiation pour reparler et prendre des notes sur le
déroulement, les échanges, leurs sentiments.
Les deux mêmes soignants référents mènent les
médiations successives pour un même enfant.
Nous insistons sur ce souci de continuité/rythmicité pour
l‟enfant, de la facilité de faire les liens d‟une fois sur
l‟autre et donc soutenir l‟historicité des rencontres. Le
« Vous vous souvenez ? » des soignants peut faire revenir
des événements récents ou bien éloignés dans le passé.
Cette constance du milieu référent assure l‟enveloppe qui
favorise chez l‟enfant le processus d‟intégration et
continuité externe et interne face au parent.
Cette constance permet aux soignants de ne pas se
retrouver englués dans les répétitions induites par la
pathologie parentale, qui sinon seraient bien plus difficiles
à repérer et élaborer.
Lors de l’entretien ultérieur avec les parents en absence de l’enfant mais en
présence du médecin référent, les éléments des rencontres sont remémorés,
et repris quand les parents l’acceptent.
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Il n‟a pas lieu le même jour. Tout dépend d‟une
confiance suffisante entre les parents et l‟équipe. Souvent
les parents oublient ou refusent de venir, d‟autres
l‟utilisent pour parler d‟eux, ou pour contester.
Les soignants référents bénéficient du temps
d’élaboration.
Pendant la rencontre ils reçoivent les projections, font
face aux symptômes des parents, leur psychisme est
fortement sollicité.
Alors, la réunion de « reprise », d‟élaboration de la
pratique, en présence d‟un psychologue ou pédopsychiatre,
permet aux référents d‟évoquer le déroulement des
rencontres, leurs sensations, sentiments, réactions,
mettre en récit des vécus sidérants, s‟interroger et mieux
identifier les climats relationnels qui les ont induits. Ils
pourront alors mieux les appréhender à l‟avenir, et
maintenir leur vitalité au moment où ça se reproduira, user
les mots plus justes à partir de leur ressentis.
C‟est le fondement de la dimension préventive et
thérapeutique de cette pratique.
Naturellement, il ne s‟agit pas d‟une élaboration
personnelle des résonances avec l‟inconscient des
référents. Ce n‟est pas le lieu.
« Stabilité, continuité, progressivité, élaboration » sont des caractéristiques structurelles et
dynamiques de la médiation, afin d‟assurer la sécurité psychique pour l‟enfant et les
conditions rassurantes pour les parents. Ceci étant dit, les repères du cadre sont aussi là
pour être tantôt malmenés, transgressés ou assouplis. Mais même malmenés, ils exercent leur
fonction d‟enveloppe contenante.
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« LE PLONGEON DANS LE SAC »
Afin d‟illustrer l‟effet curatif et préventif que peut avoir la médiation des rencontres, j‟ai
choisi de vous raconter un des nombreux éléments cliniques que j‟ai rencontré durant ces 10
ans de médiations. J‟intitulerai ce fragment « le plongeon dans le sac » :
La première chose que faisait Nelly en entrant dans la pièce de médiation, sans mot, c‟était
d‟ouvrir le sac à main de sa mère, comme si c‟était leur façon d‟entrer en relation. Nelly
plongeait systématiquement dans ce sac à main et regardait tout son contenu. Il n'y avait
aucune parole échangée entre la mère et la fille. Nelly citait tous les objets qu‟elle trouvait
dans le sac. Cette liste, semblait être adressée à tous et à personne en particulier. Il n‟y
avait aucune réaction de la mère, pas un mot, peut être une certaine jubilation. Jean, ne
participait pas à l‟exploration du sac. Même s‟il était souvent sorti de la pièce, il en était le
témoin.
A chaque fois que cela se produisait, je ressentais d‟abord un malaise, sans pouvoir
l‟identifier et sans pouvoir verbaliser quoi que ce soit pour les enfants. Ce malaise devait être
visible à travers mes attitudes et les enfants ont pu le percevoir.
Chaque médiation débutait par le « plongeon de Nelly dans le sac » dans les climats que j‟ai
essayé de vous décrire tout à l‟heure. C‟est comme s‟ils me montraient à voir des choses de
leur fonctionnement familial, je les voyais, je les constatais, les ressentais mais je n‟arrivais
pas à élaborer ni à penser. C‟est comme si moi aussi, j‟étais « collée » à ce que je voyais sans
pouvoir mettre des mots. Mais, si moi, j‟étais engluée dans cette dynamique familiale, je
pouvais déjà entrapercevoir ce que les enfants peuvent vivre et ressentir en présence de leur
mère.
En fait, je réalisais que ce n‟est pas seulement parce que j‟étais dans une pièce avec une mère
et ses enfants que je médiatisais la rencontre, ou que je faisais tiers. Ce sont mes ressentis
qui comptent et les enfants les perçoivent bien, à travers mes postures, mimiques, gestes et
paroles. Toutefois, c‟est cette prise de conscience qui est la base du rôle thérapeutique et
préventif que je peux jouer auprès des enfants.
Je me suis alors servie d‟une réunion de reprise, où j‟ai évoqué l‟impression que Nelly voulait
entrer entièrement dans le sac de sa mère, sans notion des limites et de l‟ordre de ce qui est
intime et personnel. Grâce à cet espace de réflexion, j‟ai compris que l‟origine de mon malaise
et de mon empêchement de penser pendant les rencontres provenait d‟un climat incestuel.
Parallèlement aux médiations, le travail de reprise continue. Ceci m‟a permis de mettre des
mots sur des ressentis et donc de me « décoller » de ce que j‟observais pendant les
rencontres et ainsi, j‟ai pu plus tranquillement renvoyer, faire des liens, mettre du sens.
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Par exemple, pour reprendre mon illustration, j‟ai pu exprimer que cela me dérangeait, qu‟un
sac à main est un objet personnel et que dedans il y a nos petits secrets, que cela fait partie
de l‟intime. Je le disais à chaque fois que cela se produisait et j‟interpellais Madame à ce
sujet : « Qu‟en pensez-vous ? Cela ne vous dérange pas que Nelly fasse cela à chaque fois ? »
et la mère me répondait inlassablement la même chose ! « Je ne peux pas l‟en empêcher si elle
en a envie ».
Lors de ce travail de reprise j‟ai pu aussi, entre autres, évoquer toutes les projections
hostiles des enfants et ainsi j‟ai pu comprendre que je leur servais de mauvais objet externe
de projection.
Dans l‟intérêt des enfants, ces temps de réflexion et d‟échanges me sont indispensables. Ces
« retours » et « arrêts sur image » me permettent de mieux identifier mes ressentis, voir
malaises ou découragements, et donc de mieux les appréhender.
EFFETS PRÉVENTIFS ET THÉRAPEUTIQUES DE LA MÉDIATION
Quand la médiation est effective elle a l‟impact curatif et préventif dans les domaines
suivants :
- Elle permet d‟éviter les échecs répétitifs des interactions et les traumatismes psychiques à
répétition qui en résultent chez l‟enfant.
- Elle protége l‟enfant du recours au repli relationnel, ou dans la fusion avec le parent.
- Elle préserve l‟enfant de l‟empiétement par les interventions parentales.
- La médiation tend à contrecarrer l‟installation du mode d‟attachement pathologique (Mary
Dozier)
- Elle réduit la tendance à la parentification de l‟enfant, car il n‟est pas seul face aux
sollicitations du parent.
- Sur le plan fantasmatique, elle réduit la défense par l‟idéalisation des parents, ou à
contrario leur dénigrement et réel rejet.
- Leur tenue permet d‟éviter le vécu de perte d‟Objet primaire aux conséquences d‟autant
plus terrifiantes et dépressogènes que cet Objet était défaillant.
ALORS SEULEMENT, « l‟aspect favorable » du lien enfant/parent devient opérant, s‟ouvre
pour l‟enfant l‟accès à la partie saine des parents, des parties préservées de leurs capacités
parentales. Cela favorise les processus complexes d‟attachement, d‟affiliation et de
transmission favorables.
ALORS SEULEMENT, et à la longue, l‟accompagnement thérapeutique peut éviter le clivage
des Imagos parentales dont l‟élaboration s‟appuie non seulement sur la Famille d‟accueil, mais
également sur les parents. L‟accompagnement thérapeutique ainsi facilite l‟affiliation, face au
problème de la double appartenance et la complexité de ce qui est familier.
ALORS SEULEMENT il est concevable, si le développement de l‟enfant le nécessite, de
proposer des rencontres, visites ou hébergements non médiatisés.
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TRANSFORMATIONS CLINIQUES
2 ans se sont écoulés depuis (que) le(s) plongeon(s) dans le sac on(t) cessé ; les rencontres
sont plus paisibles et leur contenu a changé.
En effet, les discussions entre les enfants et leur mère s‟ouvrent vers l‟extérieur et ne sont
plus centrées exclusivement sur eux-mêmes. Maintenant les enfants lui montrent par
exemple leurs dernières productions scolaires ou des disques qu‟ils aiment.
Nelly et Jean sont beaucoup moins dans l‟agir mais plus dans le langage, c‟est à dire qu‟ils
peuvent rester autour d‟une table, jouer, échanger, exprimer leurs ressentis par rapport à
leur quotidien. Ils peuvent aussi être de temps en temps critique vis-à-vis de leur mère.
Jean peut maintenant rester l‟heure entière dans la pièce. Les séances de coiffage entre la
mère et la fille ont disparu.
Cependant, les rencontres ne sont pas si simples. Il reste encore des moments difficiles liés
à la pathologie toujours présente de la mère, suscitant des situations qui doivent être
accompagnées.
C‟est dans ce climat que, 6 ans après la première rencontre médiatisée, se produit un « fait »
rappelant le « plongeon dans le sac ».
Jean avait besoin d‟une calculatrice pour faire un jeu, je savais que j‟en avais une dans mon
sac posé sur une chaise plus loin. Je lui demande donc de me le rapporter. Jean me regarde
l‟air courroucé et me rétorque sur un ton très vif « Quoi, qu‟est-ce que tu me demandes ? Ca
jamais, je ne ferai jamais cela, ça ne se fait pas »
Et là tout me revient en mémoire, les « plongeons dans le sac » de Nelly et toutes les paroles
que nous avons échangées autour de cela. Je comprends que Jean a entendu que je lui
demandais de prendre la calculatrice à l‟intérieur de mon sac.
Je lui précise donc que, bien-sûr je ne lui ai pas demandé d‟ouvrir mon sac pour
y prendre la calculatrice, cela me dérangerait aussi et je ne l‟accepterais pas.
Jean me redit sur le même ton qu‟il ne ferait jamais cela même si je le lui demandais.
La mère, silencieuse jusqu‟à présent, dit « Ah oui, je me souviens quand vous interdisiez à
Nelly de fouiller dans mon sac » !.
A aucun moment Nelly ne participe à cet échange mais elle écoute silencieusement. Par contre
plus tard dans la même médiation, elle me demandera à plusieurs reprises de lui « passer son
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sac » comme si elle s‟exerçait, pour voir quelle impression cela lui faisait. Peut-être aussi pour
vérifier que je n‟allais pas fouiller dedans. C‟était comme si elle avait besoin de décliner cette
expérience pour se l‟approprier.
Cela semblait donc plus superficiel pour Nelly puisqu‟elle avait besoin de passer par les actes
pour le ressentir et l‟intégrer. Alors que Jean exprimait verbalement les limites, l‟interdit.
Cela semble intégré pour lui, de l‟ordre du « sur-moi ».
Quant à Madame, à sa façon et malgré ses difficultés, elle a pu soutenir, grâce à ce
dispositif, l‟interdit qui est posé et comme le disait mon collègue tout à l‟heure, donner ainsi
aux enfants l‟accès à ses parties saines, l‟aspect « favorable » de ses capacités parentales.
AUJOUR’HUI 10 ANS APRES
Aujourd‟hui Nelly prépare un C.A.P.- Petite enfance et elle est de plus en plus autonome. Elle
se confronte aux difficultés de surpoids et se décourage vite quand elle a à mener à bien un
projet (job d‟été). Elle est amoureuse d‟un garçon de même âge, Simon, qui vit également
séparé de sa famille. Elle lui a proposé un hébergement de dépannage chez sa mère, avec
l‟accord de celle-ci, le temps qu‟il retrouve un foyer.
Lors d‟une visite à domicile de la famille d‟accueil, en absence de Nelly, nous apprenons qu‟un
jour au retour de week-end passé chez sa mère Nelly affiche une colère (révolte) et raconte
à l‟Assistante familiale : « je n‟ai pas confiance en ma mère » ; l‟Assistante écoute
tranquillement et Nelly poursuit : « Simon a peur de ma mère car un jour il lui a dit qu‟il avait
froid, et ma mère lui a répondu : « viens dans mon lit, j‟ai des préservatifs, je vais te
réchauffer » » et Nelly termine en disant « bientôt tout cela sera fini ». En effet, avec
Simon ils espéraient prendre un hébergement dans les mois qui suivaient ce qui n‟a finalement
pas pu se faire. Aujourd‟hui Simon vit dans un foyer, quant à Nelly, elle a décidé à ses 18 ans
de rester encore dans sa Famille d‟accueil et ils continuent à se fréquenter régulièrement.
Ce même jour elle confiera à la Famille d‟accueil sa crainte d‟être enceinte tout en disant
aussitôt que « si c‟est le cas je garderai le bébé ».
Nelly est outragée par les propos, elle l‟exprime et le marque en n‟allant pas voir sa mère
pendant plusieurs semaines. La réaction de Nelly et les propos de la mère nos renvoient au
"plongeon dans le sac". C‟est à dire aux limites de chacun, aux interdits, à tous ces mots posés
autour et pendant les plongeons dans le sac. La mère de Nelly garde ses difficultés et ses
passages à l‟acte incestuels liés à sa pathologie. Nelly, elle, peut réagir, se défendre, ne
pas être complètement « collée » à sa mère, (éviter un jeu de séduction déniant la différence
de générations et l‟interdit de l‟inceste). A son retour Nelly raconte cet épisode à son
Assistante maternelle, comme si elle avait besoin d‟entendre, de voir, de sentir (et se sentir
confirmée), par la réaction de l‟autre repère (identitaire) de sa vie.
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M. PAVELKA, S. DENIZET Le plongeon dans le sac l’enveloppe humaine et matérielle de la médiation
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