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7ème congrès du GREPFA France, Les Sables d’Olonne (15-16 juin 2006) 1
Dr M. REVEILLAUD, F. GUYOD, J. MAHE, J. MAZOUIN, JL. MUTSCHLER
L’AFT séquentiel pour soutenir le placement famlial de l’ASE dans la prise en charge d’un enfant violent :
reconstruction des liens affectifs
Dr Marie REVEILLAUD,
Psychiatre, Chef de service, CH Mazurelles, La Roche-Sur-Yon
Fabrice GUYOD,
Psychologue, CH Mazurelles, La Roche-Sur-Yon
Jacqueline MAHE,
Infirmière, CH Mazurelles, La Roche-Sur-Yon
Joël MAZOUIN,
Infirmier, CH Mazurelles, La Roche-Sur-Yon
Joëlle FRANÇOIS,
Infirmière, CH Mazurelles, La Roche-Sur-Yon
Jean-Luc MUSTCHLER
Infirmier, CH Mazurelles, La Roche-Sur-Yon
AXE n°2 « DIVERSITE DES ENVELOPPES »
L’AFT séquentiel pour soutenir le placement familial de l’ASE
dans la prise en charge d’un enfant violent :
reconstructions des liens affectifs.
Nous présenterons un cas d’enfant dont la pathologie se manifestait par une dangerosité, une
explosion de violences brutale et imprévisible : immotivée au premier abord mais pas sans
cause comme nous tenterons de le démontrer dans ce qui suit.
Plusieurs dispositifs thérapeutiques ont été déployés au cours de sa prise en charge en
réseau pluri-institutionnelle et pluri-partenariale,
Ces dispositifs sont capables, selon nous,de donner des réponses adéquates à la montée en
puissance des hospitalisations en pédopsychiatrie d’enfants présentant au premier chef du
tableau symptomatologique des passages à l’acte violents.
Dans cet ensemble, construit comme autant d’enveloppes contenantes emboîtées les unes
dans les autres, fermes et souples à la fois, centrées sur l’espace interne du sujet dans ses
rapports aux objets, nous voudrions mettre en relief l’accueil familial thérapeutique
séquentiel.
Bien que ne représentant qu’un des maillons de l’ensemble du projet thérapeutique, cet
élément du dispositif de soins n’en fût pas moins essentiel pour que cet ensemble résiste à la
destruction
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reconstruction des liens affectifs
1- Histoire de Alan : un regard de loup.
Alan arrive à l’âge de onze ans et demi dans la structure temps plein en urgence après avoir
été exclu d’un Institut de Rééducation.Pédagogique. L’exclusion de cette institution est en
rapport avec ses comportements violents. C’est un enfant qui est pris en charge par les
services sociaux depuis l’âge de deux ans.
Nous connaissons le père de Alan, qui lui-même a été suivi depuis l’âge de douze ans en
pédopsychiatrie et qui continue à être suivi en psychiatrie adulte avec un traitement
neuroleptique très important. Sa mère, originaire des Dom Tom, et adoptée à l’âge de 7 ans
par une célibataire, est décédée lorsqu’il avait trois ans.
Cette grand-mère maternelle a toujours manifesté de l’intérêt pour son petit-fils, le prenant
en vacances fréquemment, contactant régulièrement les familles d’accueil. Pour autant, elle
tenait un discours très négatif sur sa propre fille, mère de l’enfant, et rejetait totalement le
père.
Les autres éléments traumatisants de son histoire sont liés aux placements successifs depuis
l’âge de trois ans dans cinq familles d’accueil différentes, avec à chaque fois des ruptures
difficiles dans des contextes de violences de l’enfant et/ou de maltraitances des parents
d’accueil.
Mais reprenons chronologiquement et dans les détails. La mère de Alan entreprend à la fin de
son adolescence des études d’aide-soignante. Suite à l’échec de ses examens, elle bascule
dans la délinquance et les amours vagabonds.
Le père de Alan, diagnostiqué psychopathe, est hospitalisé en psychiatrie dès sa petite
enfance, puis orienté en Institut Médico-Educatif. Il a été placé avec ses frères en famille
d’accueil et suivi par le service de L’Aide Sociale à l’Enfance.
Les deux premiers mois de son existence, Alan vit avec ses deux parents. Jusqu’à huit mois il
se retrouve avec sa mère dans un foyer maternel où s’est réfugiée sa mère pour fuir les
violences de son père. Les travailleurs sociaux relèvent la présence de violence de la mère sur
son fils. De huit mois à un an, il vit seul avec sa mère dans un appartement. A l’âge de deux
ans, tandis que la mère rompt sa collaboration avec les travailleurs sociaux, il est constaté
l’apparition de comportements violents chez Alan dans le même temps qu’il lui est prodigué un
câlin, il griffe et égratigne le cou.
A l’âge de trois ans, Alan est placé en famille d’accueil tandis que se déclare un cancer chez la
mère. Elle apprend alors à son fils que son père n’est pas mort, contrairement aux propos
qu’elle lui avait tenus jusqu’alors, et désire que la famille d’accueil adopte son fils à sa
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disparition qui survient quelques mois plus tard. Mais très vite, il est établi une maltraitance
de la famille d’accueil sur Alan. La seconde famille d’accueil divorce. La troisième porte des
coups sur Alan et le mari est suspecté d’agressions sexuelles.
A l’âge de sept ans, alors qu’il est placé dans une nouvelle famille d’accueil, il est orienté dans
un Institut de Rééducation Pédagogique. Il y demeurera jusqu’à ses onze ans, où à la suite
d’une crise d’agitation, il sera hospitalisé d’abord en psychiatrie adulte, puis dans un service
de pédiatrie, et enfin dans notre service.
A son arrivée, le tableau symptomatologique est des plus préoccupant. L’angoisse, l’agressivité
et la colère de Alan s’expriment par des coups violents portés sur les soignants, hommes et
femmes.
Il bouscule et malmène volontiers les enfants plus jeunes ou les personnes fragiles. Lorsqu’il
frappe, il prend un regard noir que nous avons pris l’habitude de qualifier comme un regard de
loup. Son maintien psychomoteur se décompose, donnant l’impression d’un démantèlement, les
épaules montées, la tête baissée, tel un rugbyman, car il est d’une morphologie imposante, qui
aurait perdu toute consistance.
Il est très collé aux adultes, et présente toujours le besoin d’être touché, ou de toucher lui-
même : il touche les seins des infirmières surtout lorsqu’elles sont décolletées. Il ne supporte
pas que quelqu’un soit dans son dos.
Il recherche l’exclusivité de la relation duelle, vampirise l’attention et les affects du
soignant, monopolise et contrôle ce qui est fait et dit. Lorsqu’il y a plusieurs soignants, Dylan
opère d’emblée un clivage entre le bon soignant qu’il idéalise, et le mauvais auquel il voue une
haine destructrice.
Il parle sans arrêt, persévère, pose des questions, souvent les mêmes, trahissant une
angoisse envahissante. Il ne supporte absolument pas d’attendre avant qu’on ne lui réponde,
pas plus que les temps libres entre deux activités, tandis qu’il doit se retrouver seul avec lui-
même : le vide le terrifie.
D’une façon générale, ses capacités de tolérance à la frustration sont très faibles.
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reconstruction des liens affectifs
2- Les dispositifs de prise en charge : endiguer la répétition des ruptures abandonniques ;
supporter l’attaque systématique des liens ; injecter et restaurer l’appareil à penser les
pensées.
D’emblée, il nous apparaît que le tableau présenté par Alan évoque un ancrage dans la position
schizo-paranoïde et ses mécanismes de défenses spécifiques tels le clivage et le recours à
l’identification projective si minutieusement décrits par Mélanie Klein. Pour autant il nous
semble possible d’y isoler également le travail plus silencieux de l’identification adhésive
postulée par Esther Bick, et magistralement articulée dans les développements théorico-
cliniques de Geneviève Haag.
En ce début de prise en charge, Alan oscille ainsi de manière frappante entre
bidimensionnelle, caractérisée par la recherche de contacts sensuels avec les surfaces
(CICCONE Albert & LHOPITAL Marc, Naissance à la vie psychique. Modalité du lien précoce
à l'objet au regard de la psychanalyse, Paris, Bordas-Dunod, 1994), une relation au temps
essentiellement circulaire (éléments d’immuabilité), et tridimensionnalité (Donald Meltzer) où
le temps et l’espace deviennent discernables, les espaces internes du Moi et de l’objet se
différencient, tandis qu’apparaissent les premiers produits de l’appareil à penser les pensées
(Bion), racines de l’émergence d’une instance tierce à même de médiatiser l’immédiateté de la
chose en soi (éléments ). Nulle trace cependant du moindre signe d’une position dépressive :
les conflits en présence demeurent largement préœdipiens.
C’est selon ce référentiel, munis de cette boussole qu’émergent nos premières hypothèses de
travail puis l’ébauche de notre prise en charge.
a) Reconstruction du complexe familial.
Nous écartons d’abord un premier projet médical qui consistait à transférer l’enfant vers un
lieu de vie éloigné de 400 Kms de sa famille, et privilégions, en accord avec le service de
l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE), le retissage des liens familiaux.
Nous mettons en place une prise en charge à l’Hôpital de Jour et un Accueil Familial
Thérapeutique (AFT) pour soutenir le nouveau placement de l’ASE. Ainsi le projet est
coordonné entre les deux institutions : Aide Sociale à l’Enfance et Pédopsychiatrie.
Nous oeuvrons de concert afin de reconstruire avec l’enfant son histoire et celle de ses
parents :
- Du côté paternel, par des rencontres avec le père en accord avec le service de psychiatrie
adulte qui le soigne, et par des rencontres avec les grands-parents paternels. Le père nous
apprenant qu’il ne voit plus sa famille depuis plusieurs années, nous l’incitons à reprendre
contact avec sa mère, son beau-père, ses frères et sœurs, ce qui enrichit nos points d’appui
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familiaux car les frères du père sont des personnalités très solides et ont des professions
respectables.
- Du côté maternel, nous rencontrons la grand-mère tous les 15 jours avec l’enfant pour
reparler ensemble de l’évolution de Alan en profitant de relations chaleureuses, tout en
évitant de la laisser dénigrer les parents de l’enfant. Cette grand-mère apporte des photos
de sa fille et des objets qu’elle a aimés.
Nous mettons en place peu à peu, un filet qui va contenir les éléments éparpillés d’histoire de
l’enfant, de liens affectifs positifs ou négatifs pour les mettre en liens, les mettre en sens.
Nous rencontrons dans cette perspective les oncles paternels de l’enfant qui refusent tout
d’abord puis, comprenant le sens de notre démarche, acceptent de rencontrer l’enfant avec
nous en amenant une petite cousine.
Des rencontres sont également organisées chez la grand-mère paternelle que l’enfant n’a pas
vue depuis 5 ans. Des visites sont organisées chez la famille d’accueil qui a élevé le père et qui
transmettent à l’enfant les souvenirs d’enfance du père et des photos.
Il découvre peu à peu des personnes qu’il ne connaissait pas ayant un lien, soit familial, soit
affectif avec lui, sur lesquels il peut s’appuyer pour se construire dans un sens non négatif.
Les troubles du comportement qui ont nécessité son hospitalisation persistent dans les lieux
hospitaliers. L’enfant est maintenu en Hôpital de Jour, 4 fois par semaine et dans ses
moments d’hospitalisation de jour, il peut se montrer violent, dangereux. Il agresse à
plusieurs reprises des soignants infirmiers, éducateurs ou médecins.
Pour soutenir l’équipe soignante, les temps de réunion de synthèse et le travail régulier et
assidu des reprises des groupes thérapeutiques de l’hôpital de jour avec la psychiatre et le
psychologue s’avèrent incontournables et décisifs, que ce soit pour désintoxiquer les résidus
d’éléments générés dans la relation à Alan ou que ce soit pour mobiliser leur appétit de
savoir (mise en branle de la fonction )ou leur capacité de reverie, dans la résolution de
nouveaux problèmes émergeant dans sa prise en charge.
L’accueil familial thérapeutique
Pour contenir la violence de l’enfant, nous nous coordonnons avec l’Aide Sociale à l’Enfance
pour organiser la prise en charge de Alan dans la famille ASE d’une part et les 3jours par
semaine en famille d’accueil thérapeutique d’autre part.
Nous utilisons notre dispositif habituel de fonctionnement de la structure AFT en mettant la
famille d’accueil ASE à la place habituelle de la famille naturelle de l’enfant tout en ajoutant
le retissage des liens avec la famille naturelle.
Ce dispositif consiste en visites à domicile régulières dans les deux familles par un binôme
infirmier différent dans chaque famille et des étayages à l’école ou dans d’autres lieux de vie
ou d’accueil de l’enfant. C’est la mise en commun des éléments recueillis lors de ces
rencontres au cours de la réunion hebdomadaire d’une durée de trois heures de toute l’équipe
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d’AFT qui nous semble être le moment le plus important de notre dispositif. L’équipe d’AFT
comporte 10 soignants, un cadre de santé un médecin psychiatre. A ce personnel travaillant à
temps partiel (environ deux demi-journées par semaine) s’ajoutent ponctuellement à la
réunion hebdomadaire les soignants ayant l’enfant en psychothérapie, en soin à l’hôpital de
jour ou en groupe au CMP
Nous attribuons les effets de restauration psychique des enfants bénéficiant de cette
structure, d’une part aux possibilités d’identification croisées offertes par les rythmes
d’aller et retour dans l’une et l’autre famille, d’autre part à la reconstitution d’une enveloppe
psychique contenante solidifiée . Cette reconstitution se ferait, selon nous, grâce à la
superposition complémentaire et non contradictoire des enveloppes groupales offertes par
chacune des deux familles auxquelles s’ajoutent l’enveloppe groupale scolaire lorsque nous
avons réussi une intégration, puis s’ajoutent encore le travail des équipes de soins des
hôpitaux de jour ou des CMP et enfin celui essentiel de la grande réunion hebdomadaire
Cette réunion qui analyse les interactions de ces différents lieux et réajuste en permanence
le dispositif en fonction des nécessités dictées par tous les mini évènements rapportés en
réunion.
Les différentes enveloppes psychiques vont servir de contenant pour les évènements
corporels et psychiques de l’enfant, effectuant le tri des éléments négatifs et positifs et
l’aidant à s’appuyer sur ces enveloppes contenantes puis à s’approprier ce contenant dans son
propre psychisme. Nous verrons de manière magistrale Alan s’approprier progressivement la
fonction contenante de la superposition complémentaire des différentes enveloppes qui lui
sont offertes.
Les visites à domicile dans les deux familles ont lieu en règle générale deux fois par mois,
mais dans le cas de Alan nous avons augmenté ces visites au rythme hebdomadaire en y
ajoutant des appels téléphoniques quotidiens dans les moments plus difficiles.
Une règle de fonctionnement essentielle dans notre dispositif, est l’absence de contact entre
les deux familles. Dans le cas de Alan la règle s’est appliquée aux deux familles d’accueil ainsi
qu’à la famille naturelle. La grand-mère maternelle avait lors des placements ASE antérieurs
utilisé largement son droit à contacter la famille d’accueil et ces échanges avaient fragilisés
les compétences d’accueil de la famille. La grand mère de Alan se rebelle tout d’abord contre
notre règle de fonctionnement qui la surprend puis au fil des mois constate le confort que ce
fonctionnement permet dans ses relations avec son petit-fils.
Cette règle permet à l’enfant d’utiliser les apports de chaque famille sans être influencé par
les jugements de l’une sur l’autre liés à leur rivalité et nous évitons par ailleurs l’alliance des
deux familles contre l’enfant en ce qui concerne les symptômes difficiles à supporter. Ainsi la
famille d’accueil puise dans sa propre énergie et ses propres expériences ainsi que dans le
soutien que nous lui apportons et non sur l’expérience de la famille naturelle ou de l’autre
famille d’accueil pour supporter les moments difficiles.
Etonnement, Alan bénéficiant de deux accueils différents dans la semaine se révèle non
violent dans l’une et l’autre famille. Il tente cependant de les mettre en rivalité l’une contre
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l’autre. Notre règle de fonctionnement permet de surmonter cette rivalité qui aurait pu être
destructrice.
Nous comprenons que l’enfant, outre les traumatismes, a été prisonnier des discours toxiques
véhiculés sur lui, et sur ses parents. La grand-mère, très affectueuse avec l’enfant parle de
sa mère (sa fille adoptive), en termes assez péjoratifs et critique sans retenue le père qu’elle
n’a jamais accepté.
En évitant les contacts de la grand-mère auprès des deux familles d’accueil et des deux
familles d’accueil entre elles nous évitons que ces deux familles ne soient envahies par ces
représentations négatives et les laissons développer leurs propres stratégies tout en les
étayant dans leurs difficultés.
Le travail de l’équipe de soins se situe essentiellement dans le soutien apporté à la rencontre
de tous ces points d’appui et de ces parcelles d’enveloppes psychiques comblant les trous
laissés par les arrachages répétés et les maltraitances.
Pour Alan outre les visites à domicile faites dans les deux familles d’accueil, des rencontres
hebdomadaires sont organisées avec le père dans le cadre de la musicothérapie, des
rencontres bi-mensuelles avec la grand-mère maternelle, des rencontres avec la grand-mère
paternelle plusieurs fois par an, avec les oncles paternels une fois par an .
Ce tissage permet de parler avec l’enfant et de lui permettre de reconstruire son roman
familial avec tous ses éléments nouveaux dont beaucoup d’éléments positifs. Ce nouveau
roman va prendre une place importante et va combler les trous.
Nous allons relater quelques moments clés de ce montage fragile qui s’est révélé un succès
thérapeutique :
L’AFT chez Mr et Mme L mis en place pour soutenir et compléter le placement en famille ASE
dure deux années exactement et débute quelques semaines avant le placement ASE chez Mr
et Mme B.
Lors des premières semaines M. et Mme L. exigent de Alan qu’il dise « bonjour » »au revoir»
« merci » ce qu’il accepte, mais il préserve son intimité en ne montrant pas la photo de sa
mère, sa trousse offerte par la grand-mère etc. Lorsque Alan s’énerve, Mm L. reste ferme et
maintient le cadre.
Alan n’agresse pas la famille d’accueil alors qu’il frappe dans la journée des enfants ou des
soignants de l’hôpital de jour.
Alan commence à critiquer la famille L. deux semaines après son arrivée chez les B. mais
n’obtenant pas la déstabilisation du projet qu’il a connue lorsqu’il était jeune, il cesse ses
critiques mais les reprendra contre l’une ou l’autre famille de temps à autre. On décèle dans
ses critiques une tentative de manipulation et des éléments de perversité. Parallèlement, il
exprime beaucoup de douleurs somatiques.
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Pour exprimer sa colère en famille d’accueil, Alan s’attaque aux objets : il abîme la voiture de
la famille L., détruit des plantes dans la famille B, détruit des plantes également chez des
amis de la famille B.
Les deux familles essayent d’inculquer à Alan des mesures d’hygiène et nous soutenons ce
travail à l’hôpital de jour.
Dès le premier mois chez les deux familles, les rencontres en famille naturelle et les séances
de musicothérapie avec son père sont organisées et les effets de cette reconstruction sont
observés dans les deux familles d’accueil.
Pour le premier Noël de cette période, Alan demande à rester chez les B.
Une réflexion concernant les destructions matérielles de Alan nous mène à décider de lui
demander sa participation financière à l’indemnisation.
Le traitement neuroleptique très important qui a été prescrit avant l’arrivée de Alan est un
élément de discussion car il ne diminue pas vraiment le risque de violence ; Il aggrave par
contre le comportement boulimique et le surpoids qui menace de devenir de l’obésité. Chaque
tentative de diminution entraîne des réactions de protestation des personnes qui craignent sa
violence. Ce problème est la cause d’une perte de confiance d’une partie de l’équipe infirmière
qui porte plainte contre le médecin auprès de son syndicat.
C’est en maintenant coûte que coûte la diminution très progressive qu’on réussira en 18 mois à
changer ce traitement.
La réintégration scolaire est un difficile projet soutenu par tous les partenaires. Nous
réussissons à envoyer Alan à l’école une heure par jour en classe de CM1 où se révèle son
incapacité à l’effort. La fierté qu’il ressent d’être à nouveau un élève, l’aide à se contenir
pendant une heure et à effectuer le travail que lui demande sa maîtresse.
Pendant les vacances scolaires, le cahier de travail scolaire permet un maintien de l’effort
intellectuel de Alan dans ses trois lieux(l’hôpital de jour et les deux familles d’accueil)
L’année scolaire suivante est beaucoup plus compliquée à organiser puisque Alan a atteint l’âge
du collège ! Il est orienté en Segpa mais l’intégration partielle au collège se révèle très
difficile avec des exclusions répétées et peu de progression dans le comportement car Alan
est confronté à la violence des autres élèves et a du mal à contenir la sienne.
Les deux familles d’accueil soutiennent les déconvenues et comblent les temps d’exclusion et
un étayage au cours des récréations est organisé avec la participation des soignants de
l’hôpital de jour.
Au cours des huit premiers mois chez les B., éclatent des crises toujours en lien avec
l’agressivité de Alan envers les objets parfois envers les personnes. Ces crises entraînent des
synthèses avec les responsables de l’ASE. Le soutien que nous apportons à la famille B. (de
l’ASE )et l’augmentation des temps d’accueil dans la famille L( de notre structure)
permettent à chaque fois de surmonter les crises.
Alan participe progressivement aux petits travaux dans l’une et l’autre famille et en est fier.
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Peu à peu Alan peut renoncer à ses attitudes toutes puissantes, parler de sa tristesse d’avoir
perdu sa mère. Après un an et demi, il pleure au lieu de recourir à la violence.
A l’âge de 13 ans, la rentrée scolaire est toujours un problème et l’intégration se fait
difficilement mais Alan peut s’exprimer de manière très élaborée, il n’a plus de
comportements dangereux, il a le soutien continue de sa famille naturelle et nous arrêtons
l’AFT. Alan reste uniquement chez les B.
b) Rencontres avec le père réel et sollicitation de la fonction paternelle symbolique.
Un espace thérapeutique père-fils est mis en place sous forme d’un atelier de
musicothérapie, une fois tous les quinze jours, et encadré par une infirmière de l’hôpital de
jour et un musicothérapeute. Trois moments peuvent être retenus afin de décrire la manière
dont Alan s’est peu à peu réapproprié son père réel et quelques bribes de la fonction
paternelle symbolique dans un tel bain musical.
D’abord, il doit être recadré et sécurisé constamment : il recherche le contact
physique avec son père, souvent avec insulte et violence. Il lui écrase les pieds, lui tire les
cheveux, les oreilles. Le père, en grande quête affective, cherche fréquemment à
l’embrasser, mais ne peut répondre à ses attaques. D’une manière générale, il devient
toujours plus insultant vis à vis de son père, et lui reproche d’avoir tué sa mère (discours tenu
par la grand-mère maternelle), de ne pas l’avoir aimé petit enfant. Le père reste sans
réaction. Ces épisodes conduisent à un resserrage strict du cadre. Les séances sont
interrompues dès qu’il y a violence, et les interdits sont nommés face à son père.
Toutefois, le travail de retissage de liens fait avec la famille paternelle et la famille
d’accueil où était placé son père, commence à porter ses fruits. Les rencontres de Alan avec
ces personnes permettent de modifier l’image de fou qu’il porte sur son père. Son père lui
même semble tirer bénéfice de la prise en charge : sa dernière hospitalisation remonte à plus
d’un an alors qu’il était hospitalisé à sa demande environ toutes les six semaines jusqu’alors.
Une bascule s’opère et inaugure le deuxième moment de la prise en charge : un certain
respect s’actualise entre le père et le fils autour du piano. C’est alors que Alan nomme pour la
première fois son père « papa ». De la même manière et toujours pour la première fois, le
père exprime son opposition à son fils quelques séances suivantes, lorsque Alan demande à
rester seul avec lui. Le départ est alors mouvementé : Alan se jette dans les bras de son
père, pleurant à chaudes larmes, et le supplie de le garder avec lui. Il s’ensuit une série
d’échange de cadeaux (montre, bague, argent placé sur un compte par le père pour Alan) et
une demande reconnaissance du père qui propose à son fils de se faire baptiser (inscription
dans une filiation).
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Le troisième temps est alors le parfait envers du premier. Alan répète les contacts
physiques avec son père, mais avec mesure, sans exubérance ni intrusion. Il s’allonge sur ses
genoux, se laisse tomber sollicitant son père pour qu’il le soutienne et le rattrape. Le père se
prête sans difficultés à ce rapprochement. Alan dit au revoir à son père avec tendresse.
Désormais, les rencontres du père et du fils n’auront plus lieu seulement dans le cadre
thérapeutique de la musicothérapie, mais aussi autour de repas ou de sorties à partir de
l’hôpital de jour.
c) Psychothérapie : mobilisation de suppléances à la fonction paternelle.
Relevant l’intérêt que Alan manifeste pour comprendre son histoire, à élaborer des
éléments de pensées et à les mettre en lien, nous décidons de lui proposer une
psychothérapie avec le psychologue. Une règle lui est posée au principe de ce nouveau
dispositif thérapeutique : le seul acte autorisé dans cet espace est l’acte de dire.
Cette règle sera respectée mais au bout d’une dizaine de séances. Les premières
rencontres prennent la forme des psychothérapie kleiniennes, durant lesquelles Alan se livre
à une œuvre de destruction : il ouvre systématiquement les fenêtres avec violence et fracas ;
il envoie valdinguer le mobilier de la salle de séance, touchant comme sans faire exprès mes
jambes, mes pieds, venant se blottir sur mes genoux avec la volonté d’entrer dans mon corps ;
il demande régulièrement à fixer mon regard en tête à tête, silencieusement, sans aucun
geste, et de rester ainsi aussi longtemps que possible ; il m’assène des gifles magistrales,
propose régulièrement de se livrer à des bras de fer ou des jeux de barbichette.
Dès les premières séances, il lâche : « Je veux que ma mère ressuscite et vivre
éternellement avec elle Je veux que mon père meure, il a fait des choses ignobles, il m’a
battu et il a battu ma mère ». Plus tard il reprend : « Mon père a des yeux verts de vipère,
parfois il fait peur ».
En venant à une séance, il hurle de toutes ses forces, s’approche de mon oreille et me
tympanise. Il parle fort, « c’est pour marquer son territoire », précise-t’il. Il refuse
l’interruption de séance, me colle et me serre tandis que je le raccompagne à l’hôpital de
jour : subrepticement il me donne un coup dans les parties génitales.
La séance suivante et pour la première fois, Alan est détendu, mais aussi soucieux. Il
me demande de lui trouver l’idée d’un métier : je l’invite à y réfléchir aussi. Détective privé,
décidera-t-il.
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reconstruction des liens affectifs
Et les investigations démarrent. Alan ne cherchera plus à m’agresser, envahir mon
corps ou détruire la salle de séance. Désormais, il redouble d’efforts :
1) pour endiguer et transposer sur le plan des pensées la délocalisation des jouissances
de corps qui le traverse sur un mode hypocondriaque (« je ressens des choses dans mon corps
que tu ne peux pas comprendre ». Il poursuit : « Des fois j’ai mal dans tout le corps et je me
sens lourd. J’ai mal à la tête mais c’est pas comme quand j’ai de la fièvre (il me désigne l’arête
sur le sommet du crâne), j’ai mal partout, dans les genoux, dans tout le corps »);
2) pour donner sens au vécu paranoïde qui l’assaille, en empruntant à diverses sources
de quoi le métaphoriser (paléontologie, films (« Mars attack », « E.T. », « Stars War »),
ouvrages pour enfants (« Il y a un cauchemar dans mon placard »), religion ). Il exige que
j’écrive scrupuleusement le détail de ses chiffrages ;
3) et pour palier enfin la signification phallique qui lui fait défaut.
Voilà où en est Alan dans sa psychothérapie, avec une extension croissante de sa
capacité à penser les pensées. C’est en effet le problème relatif à la fonction paternelle qui
le préoccupe en ce moment, mais fait nouveau et d’importance, il cherche à présent à
construire un moyen pour se pacifier la haine vengeresse du père qui désirait sa perte ou sa
mort.
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