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8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 1
Equipe RAFT, CHS Le Vinatier, Lyon, « Vers une spécificité de l’indication d’AFT »
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J. JUNG,
Psychologue clinicien, Equipe du RAFT, CHS Le Vinatier, Lyon.
Dr T. ROCHET,
Médecin chef, Equipe du RAFT, CHS Le Vinatier, Lyon.
C. PETAVY,
Assistante sociale, Equipe du RAFT, CHS Le Vinatier, Lyon.
N. POURCEL,
Assistante sociale, Equipe du RAFT, CHS Le Vinatier, Lyon.
S. MOUTARDE,
Secrétaire médicale, Equipe du RAFT, CHS Le Vinatier, Lyon.
« Vers une spécificité de l’indication
d’Accueil Familial Thérapeutique »
Initialement pensé comme une alternative à l’hospitalisation, L’AFT s’est
progressivement développé ces dernières années au point qu’aujourd’hui,
l’expérience acquise en ce domaine permet d’envisager les indications d’une façon
plus précise.
Après une présentation du dispositif d’accueil familial thérapeutique pour
enfants et adolescents (RAFT) créé il y a 8 ans en pédo-psychiatrie, nous
chercherons à dégager les enjeux posés par l’indication en AFT, à partir des
attentes multiples, des parents comme des services de soin, concernant cette
modalité de soin.
Ainsi, nous interrogerons, au-delà des aspects éducatifs, la place qu’occupe
cette modalité d’accueil dans le dispositif de soin ainsi que les conditions d’un
Accueil Familial « thérapeutique ».
Enfin, en nous appuyant sur les questions posées par ce type de prise en
charge, nous préciserons ce qui, aujourd’hui, nous paraît répondre, de façon
spécifique et pertinente, à une indication « positive » d’AFT en pédopsychiatrie.
Deux exemples de situations d’accueil viendront étayer notre réflexion.
1- Présentation du RAFT (Relais Accueil Familial Thérapeutique)
2- Pluralité des indications d’AFT
- Situation de Célestine
- Situation de Luc
3- Vers une spécificité de l’indication d’AFT
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 2
Equipe RAFT, CHS Le Vinatier, Lyon, « Vers une spécificité de l’indication d’AFT »
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1 PRESENTATION DU RAFT :
Le Relais Accueil Familial Thérapeutique ou RAFT est une structure
intersectorielle (pédopsychiatrie), qui dépend de l’hôpital du Vinatier, situé à
Lyon. Ce service a été créé il y a maintenant presque huit ans pour répondre à
deux objectifs principaux :
1 Poursuivre et développer des modalités de prise en charge alternatives
à l’hospitalisation.
2- D’autre part, regrouper au sein d’une même unité les moyens mis à
disposition mais pas toujours utilisés (2 places tps plein par secteur) de chaque
secteur, afin d’organiser un dispositif d’accueil familial thérapeutique autonome
permettant le recrutement, le suivi et la formation des assistantes familiales,
ainsi que la mise en place effective des accueils.
Ce projet s’est développé avec la mise en place d’une équipe
pluridisciplinaire à temps partiel, composée d’un médecin chef, d’une secrétaire
médicale, de deux assistantes sociales, d’un psychologue et d’un groupe
d’assistantes familiales aujourd’hui au nombre de 8 pour 20 enfants accueillis.
Le RAFT s’adresse à des enfants et des adolescents de 0 à 18 ans suivis au
sein d’une structure de soin dépendant de l’hôpital du Vinatier (CMP, HDJ,
CATTP).
Les demandes d’Accueil Familial Thérapeutique (AFT) nous sont adressées par
les équipes de soin où sont suivis les enfants. L’AFT s’inscrit de ce point de vue
comme un complément à un soin déjà engagé sur le pôle de pédo-psychiatrie,
lequel se poursuit pendant au moins toute la durée de l’accueil. L’AFT constitue
en ce sens une indication médicale posée par le médecin référent au même titre
qu’une prise en charge thérapeutique ambulatoire ou institutionnelle en centre de
jour, CATTP ou CMP.
On verra que le dispositif relativement nouveau et atypique que propose le
RAFT, au regard des autres modalités de soin en pédopsychiatrie, n’est pas sans
causer des tensions institutionnelles au sein de l’hôpital quant à la façon
d’organiser et de penser le soin à différents niveaux et en réseau, en
bouleversant parfois les pratiques institutionnelles traditionnelles.
Cette question en soulève une autre, à savoir quel est le statut de l’AFT au
sein du dispositif de soin en pédopsychiatrie. S’agit-il d’un soin à part entière ?
Doit-on considérer les assistants familiaux comme des soignants ? D’autre part,
qu’est-ce qui fait que cet accueil est thérapeutique ?
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Chaque demande adressée au RAFT est étudiée et fait l’objet d’une première
rencontre avec l’équipe soignante pour présenter la situation de l’enfant.
L’indication d’AFT n’étant pas une fin en soi, la demande est évaluée et reliée à
un projet à plus long terme comme par exemple une orientation dans un
établissement spécialisé type IME. Le temps, la fréquence d’accueil ainsi que
l’intérêt d’envisager des nuits ou des repas sont abordés lors de cette première
rencontre. Une attention particulière est portée sur l’adhésion de la famille au
projet d’accueil, condition indispensable à sa mise en place. Ce temps est
l’occasion pour l’équipe du RAFT de confirmer ou non l’indication et de
commencer à penser au profil d’une assistante familiale.
Une seconde rencontre est organisée en présence de l’assistante familiale
pressentie, de l’équipe soignante demandeuse et d’une partie de l’équipe du RAFT.
Cette rencontre est destinée à présenter l’enfant dans son environnement, le
dispositif de soin dans lequel il s’inscrit et à répondre aux questions de
l’assistante familiale.
Enfin, une dernière rencontre a lieu cette fois-ci sur le lieu de soin en
présence des parents, de l’enfant, de l’équipe soignante, de l’assistante familiale
et d’une assistante sociale du RAFT. Cette rencontre a pour objectif de finaliser
le projet d’accueil et débouche sur la rédaction d’un contrat d’accueil signé par
toutes les parties (C’est le moment où sont notamment abordés les aspects
pratiques de la mise en place de l’accueil, les engagements respectifs de chacun,
etc.).
On l’aura compris, toutes les modalités d’accueil sont potentiellement
envisageables à condition qu’elles prennent sens pour tous les acteurs de
l’accueil. L’AFT est donc pensé à chaque fois au cas par cas, dans une logique
d’intégration et d’articulation au dispositif existant. Cet aspect suppose en outre
une participation des équipes soignantes pour soutenir la réalisation du projet,
que ce soit à travers les liens qui s’établissent avec les familles d’accueil ou avec
le service du RAFT.
Par ailleurs, dans le but d’optimiser les aspects thérapeutiques d’un tel
dispositif, nous insistons sur l’importance de la différenciation des temps et des
espaces dans lesquels évolue l’enfant accueilli. C’est pourquoi dans la majeure
partie des cas l’accueil se limite à quelques séquences d’une durée variable de 2 à
6 heures par séquence, ceci en cohérence avec le dispositif de soin déjà en place.
Il s’agit de séquences fixes qui ont lieu en général de 2 à 4 fois par semaine.
D’autre part, la quasi-totalité des accompagnements sont effectués en taxi
(fonction tiers), transports pris en charge par la sécurité sociale. Ceci a pour
fonction d’assurer une différenciation des espaces en plus d’une certaine
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fiabilité du cadre d’accueil. Dans ces conditions, l’espace de l’accueil bénéficie
d’une certaine neutralité en devenant un espace protégé, suffisamment délimité,
ce qui ne signifie pas pour autant qu’il soit un espace étanche, coupé du monde
extérieur et du reste du soin. Au contraire, cette situation contribue à ce que la
famille d’accueil se sente suffisamment dégagée des éléments de réalité
susceptibles de modifier les conditions d’accueil, et puisse se concentrer sur l’ici
et maintenant de la rencontre avec l’enfant. Ce principe de différenciation à
l’origine de l’accueil, associé à la disposition d’esprit de l’assistante familiale,
permettra à l’enfant d’investir ce lieu différemment.
Un temps de supervision groupal mensuel ou plus exactement de reprise
élaborative des situations d’accueil est assuré par le psychologue. Destiné à
toutes les assistantes familiales, ce temps est l’occasion de travailler les
situations d’accueil et de leur donner collectivement un sens après-coup. Ce
travail a pour fonction de soutenir l’AF dans l’accueil et de l’aider à se situer
dans la rencontre avec l’enfant, de développer ses capacités d’élaboration
clinique et d’ajuster son positionnement professionnel aux situations
rencontrées. Ce travail peut être associé à un temps de reprise individuel, à la
demande de l’assistante familiale et/ou proposé par le psychologue.
Un temps de formation également mensuel assuré par le psychologue et des
intervenants extérieurs permet de reprendre et d’approfondir certaines
problématiques rencontrées dans l’accueil. D’une façon générale, la formation
propose un apport théorique sur des thèmes qui touchent de près ou de loin la
pratique de l’accueil.
Un accompagnement des familles d’accueil est également assuré par les
assistantes sociales. Il consiste en des entretiens téléphoniques réguliers et des
visites à domicile annuelles. Il s’agit donc d’un travail de liaison qui intègre tout
autant les aspects organisationnels de l’accueil que l’écoute et le traitement des
difficultés posées par l’accueil au quotidien.
2 PLURALITE DES INDICATIONS D’AFT :
Comme pour tout dispositif de soin, la création d’un service comme le RAFT
suppose l’élaboration d’un projet comportant des missions et des objectifs. Son
évolution dépendra à la fois de la manière dont le dispositif aura été sollicité
selon les attentes des pôles de pédo-psychiatrie et des expériences
temporellement acquises à travers les accueils successifs réalisés par notre
service.
Si l’élaboration d’un projet de service d’AFT permet de dégager un certain
nombre d’axes sur les objectifs thérapeutiques, il reste que toute une partie de
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son projet demeure liée à la façon dont il est utilisé en pratique par les services
de soin.
Sans doute bien davantage que pour les dispositifs classiques et malgré les
nombreuses sollicitations dont il est l’objet, le RAFT a pu et peut encore être
amené à souffrir d’une identité aux contours mal définis. En effet, la diversité
des représentations que peuvent s’en faire les équipes soignantes y contribue, en
l’assimilant tantôt à un accueil social à visée éducative, tantôt en le considérant
comme une alternative aux prises en charge thérapeutiques existantes.
Le vécu des familles d’accueil d’un manque de reconnaissance vis-à-vis des
services dans lesquels sont suivis les enfants qu’elles accueillent l’illustre bien
aussi, même si ce sentiment a pu évolué. L’indication « par défaut » rend compte
de cette problématique : confronté aux limites d’une prise en charge, l’indication
d’AFT pour une équipe de soin peut constituer avant tout un ailleurs, une issue,
un autre lieu, dans certains cas un relais du soin.
Parmi les indications dites « par défaut », on peut penser à ces patients sans
solution ou encore sans solution de soin satisfaisante. Ce sont des patients au
parcours thérapeutique souvent chaotique, ayant déjà fait l’objet sans succès de
plusieurs orientations / indications et / ou qui se trouvent en attente d’un accueil
en établissement médico-social. Il peut s’agir d’enfants dont le soin est amené à
s’arrêter. C’est le cas des prises en charge institutionnelles en centre de jour ou
CATTP petite enfance qui s’achèvent à 6 ou 12 ans et qui souffrent d’un manque
de relais au sein du secteur.
D’autres demandes mettent l’accent plus directement sur l’épuisement des
familles qui demandent à être soulagées.
Toutes ces demandes se traduisent par ce que nous pouvons appeler des
indications « par défaut », c'est-à-dire des indications dont le but est avant tout
de pallier le manque, la limite, l’échec face auxquels se retrouvent les équipes de
soin.
Pour autant, est-ce le rôle de l’AFT de répondre à ces demandes, de suppléer
au manque de structures adaptées sur le secteur ? Jusqu’où pouvons-nous
répondre sans risquer de compromettre le sens thérapeutique d’un tel projet ou
de nourrir l’illusion suivant laquelle l’AFT serait « La » solution à ce type situation
? A quelles conditions ces demandes peuvent-elles malgré tout prendre un sens
et ouvrir sur une évolution thérapeutique chez l’enfant ?
Il semble important de repérer ici, au-delà de la demande d’AFT pour un
patient, une demande institutionnelle plus profonde, consistant à traiter
l’intraitable, à trouver une réponse thérapeutique qui permettra dans certains
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cas de reconsidérer la problématique du jeune, de réinvestir une situation
devenue critique pour la famille, l’équipe de soin et l’institution.
Situation de Célestine :
Célestine a 4 ans et demi lorsqu’elle nous est adressée par le médecin du
CMP qui la suit. Elle bénéficie alors d’une prise en charge sur un groupe
thérapeutique deux fois par semaine et elle est suivie en parallèle en
orthophonie une fois par semaine dans le privé. Les entretiens révèlent un
léger retard : marche acquise à 18 mois, propreté à trois ans. Elle
présente à ce moment-là un trouble de l’attention : elle a du mal à écouter
les consignes, a besoin en permanence d’être cadrée. Elle ne présente pas
de trouble de la personnalité mais a du mal à accéder, semble-t-il, à
certaines modalités de symbolisation.
En réalité ce sont essentiellement ses parents qui sont en difficulté : la
maman est en invalidité, le papa a du mal à poser des limites et Célestine
ne bénéficie pas d’un étayage rassurant par ses parents.
La demande d’un accueil dans une famille pendant l’été est suscitée par
le fait que les parents se sentent en grande difficulté : l’école s’arrêtant,
ils ont très peur d’avoir à assumer leur fille toute la journée. Ce sont eux
qui ont besoin d’un relais.
Célestine est scolarisée à ce moment-là en grande section de maternelle
et l’équipe de soin a évoqué la possibilité à long terme d’une prise en
charge pour cette petite fille dans un établissement médico-social mais les
parents souhaitent pour l’instant que Célestine reste au domicile.
Devant l’ambivalence de la famille et pour tenir compte des différents
éléments de la demande, un AFT est envisagé chez une famille d’accueil le
mercredi ainsi qu’une partie des vacances scolaires.
Les premiers temps de l’accueil, l’AF découvre une petite fille très
agréable, câline et sans problèmes particuliers. Parallèlement, la scolarité
connaît une évolution très favorable au point où il n’est plus question
d’orientation en établissement spécialisé.
Célestine se développe normalement même si, aux dires de la mère, les
problèmes de comportement à la maison persistent. En effet, Célestine
« désobéit » et les parents se sentent régulièrement débordés dans leurs
capacités éducatives. Les punitions souvent disproportionnées ne suffisent
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pas à la limiter. Au contraire dans la famille d’accueil « tout se passe
bien ».
Face à cette situation familiale précaire, une aide éducative finit par se
mettre en place difficilement.
L’accueil se poursuit maintenant depuis plusieurs années et semble avoir
apporté à Célestine un équilibre environnemental grâce à la qualité des
relations établies d’une façon durable avec la famille d’accueil et au
maintien du lien avec sa famille.
Cet accueil pourrait encore durer des années mais son évolution nous
autorisent à réfléchir à d’autres modalités de prise en charge. Célestine a
actuellement 11 ans et l’annonce faite il y a presque un an de la fin de
l’accueil officiel chez Mme G permet de commencer à réfléchir à un
nouveau projet. La mise en place récente d’une prise en charge individuelle
au CMP s’inscrit dans cette perspective.
Situation de Luc :
Luc est un grand enfant de 10 ans originaire d’Afrique centrale. Son
père est décédé alors qu’il était tout petit.
Il présente un autisme infantile précoce type Kanner avec absence de
langage et apparition de troubles du comportement de type hétéro-
agressif dans le cadre de sa prise en charge au centre de jour.
Suivi depuis janvier 2003 à raison de 4 demi-journées par semaine, le
soin de cet enfant s’est avéré progressivement extrêmement complexe et
de plus en plus difficile. Avec Luc, la communication a toujours été très
restreinte, Luc n’utilisant aucun mot. Ses capacités de compréhension,
même très limitées, lui avaient permis de prendre part à certaines
activités de groupe et d’interagir avec les soignants dans une recherche de
contact.
Dans sa demande, l’équipe de soin nous précise que le travail du centre
de jour n’a pas pu être particularisé pour cet enfant présentant des
troubles aussi spécifiques. Ce dispositif centré sur les médiations et la
recherche d’émergences relationnelles n’a malheureusement pas permis de
l’aider dans sa structuration.
En lieu et place de progrès cliniques, ce sont des troubles du
comportement qui se sont développés : irruption de violence énigmatique,
conduites dangereuses à l’égard des soignants comme des enfants,
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manifestations qui ont conduit le médecin responsable à suspendre le soin
au centre de jour.
Selon sa mère, il ne se montrerait pas violent à la maison. Il semblerait
plus à même de se contenir physiquement en sa présence. Toutefois, La
naissance d’une petite sœur en 2005, semble être à l’origine de moments
de tension à la maison. Il se met par exemple à frapper le sol de la main de
façon brusque ou jeter violemment un objet au sol.
L’objectif de l’AFT serait de permettre pour l’équipe de soin un travail
de séparation mère / enfant en vue de faciliter une orientation spécialisée
avec internat.
En ce sens, un accueil dans notre service constituerait selon l’indication
posée un ailleurs autre que la garderie, prémisse d’une séparation pour
orientation.
La mère serait favorable à cet accueil même si elle reste convaincue
qu’aucun lieu ne peut tenir pour son fils.
Même si le sens d’un AFT apparaît difficile à penser d’emblée, outre le
fait de la nécessité de travailler la séparation, la mise en place de cet
accueil chez l’une des familles d’accueil du RAFT est envisagé dans un
premier temps sur une durée d’une heure trente par semaine.
Le travail avec l’assistante familiale montre pendant les premières
semaines un travail d’apprivoisement réciproque qui permet
progressivement à Luc de se poser, de se détendre. Le respect d’une
certaine distance physique apparaît à ce moment-là nécessaire pour
désamorcer la violence de Luc. Puis, des rituels s’installent. Il a l’habitude
par exemple de s’allonger sur le canapé en arrivant. Un contact corporel
s’établit par l’intermédiaire de massages. De la musique douce accompagne
de temps à autres ces échanges. Parfois même il se laisse aller à
s’endormir. Ces derniers temps il commence à explorer la maison, à se
regarder dans un miroir.
Nous apprendrons au cours d’une synthèse, que la situation au premier
abord très critique de Luc est devenue plus stable et apaisée. La mère
trouve que son fils va un petit peu mieux.
Nous ne savons pas au jour d’aujourd’hui comment évoluera l’accueil de
Luc, mais il semble que cette expérience d’accueil atypique, en plus de
constituer une issue, un ailleurs dans la façon d’aborder et de penser cette
situation, aura permis de transformer pour la mère, pour l’équipe de soin
et pour l’assistante familiale, l’investissement de cet enfant peut-être à
travers l’émergence d’un regard humanisant.
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Il faut reconnaître que dans notre projet initial nous ne pensions pas accueillir
ce type d’enfant, ce qui révèle une utilisation somme toute assez spécifique de
notre service. Cependant, nous avons pu être surpris, à maintes reprises des
effets thérapeutiques impliqués par ce changement de cadre, nous renvoyant
ainsi aux fondements même de notre projet.
Comment un enfant vécu comme épuisant pour les soignants d’un centre de
jour peut-il se comporter parfois très différemment chez la famille d’accueil ?
Gardons-nous pour autant d’y voir un effet magique « famille d’accueil ». Car si
l’AFT n’est rien sans la famille d’accueil, l’AFT déborde largement l’espace de la
famille d’accueil. Ces observations doivent nous interroger sur les enjeux
thérapeutiques d’un tel dispositif.
Plutôt que de parler d’indication par « défaut », ce qui peut être pensé comme
à défaut d’autres choses ou qui ne répond pas de façon spécifique à la situation,
nous pourrions parler pour les deux situations que nous avons évoquées
d’indications « limites », c'est-à-dire à la limite du cadre des indications inscrit
dans notre projet. Nous aurions pu tout aussi bien considérer ces demandes
comme ne répondant pas aux objectifs fixés dans notre projet.
Comment penser l’accueil d’un enfant dont le soin principal a été suspendu ou
encore quel sens un accueil peut-il avoir lorsqu’il semble répondre, en premier
lieu, aux difficultés des parents ? Au regard de l’évolution de ces deux types
d’accueil, nous avons à nous interroger sur les conditions qui peuvent rendre ces
accueils thérapeutiques.
La pluralité des intervenants, le temps passé à penser le projet d’accueil avec
les équipes de soins et avec l’assistante familiale pressentie, le temps consacré
par les équipes de soin pour travailler la demande avec les familles sont autant
de facteurs qui, combinés entre eux, renouvellent le regard que chacun porte sur
l’enfant. En ce sens, la mise en place effective du cadre d’accueil est déjà le
résultat de tout un travail de pensée qui entoure l’accueil.
C’est dire que l’introduction de ce nouveau dispositif dans l’ensemble du
dispositif de soin n’est pas un simple complément à ce qui est déjà mis en place.
Le projet d’accueil va en réalité mobiliser l’ensemble des acteurs et modifier le
rôle de chacun auprès de l’enfant. L’AFT n’étant pas une fin en soi, la mise en
place de l’accueil sera aussi l’occasion de repenser le projet de l’enfant à plus
long terme.
Ainsi, la mise en place du cadre d’accueil marque concrètement, par
l’organisation d’un nouveau maillage autour de l’enfant, l’émergence d’un nouvel
environnement de pensée, d’un autre regard porté sur l’enfant. C’est cet
ensemble et la multiplicité des liens qui le composent dans la durée qui nous
semblent être à l’origine de ce qui est thérapeutique dans l’AFT.
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Ces éléments nous amènent à penser le fonctionnement de notre service
comme un dispositif complexe susceptible de tenir ensemble différents niveaux
de réalité hétérogènes :
- A savoir d’une part, l’axe de la demande et de l’indication porté par les
équipes de soin et qui suppose d’être tenu pendant toute la durée de l’accueil.
- D’autre part, l’axe concernant davantage le vécu de l’accueil, incarné par les
assistantes familiales et qui trouvera un sens spécifique notamment dans le
travail de supervision.
- En dernier lieu, un axe institutionnel, c'est-à-dire un axe qui différencie
pour mieux articuler ces deux niveaux de réalité.
Cette fonction de tiers et de garant du cadre s’illustre dans le dispositif par
le fait que tout changement au niveau des modalités de l’accueil (à la demande
des familles, des assistantes familiales, des équipes de soins ou même à
l’occasion, des chauffeurs de taxi) doit faire l’objet d’une demande au service,
ceci dans le but de protéger le cadre de l’accueil en assurant sa valeur
thérapeutique.
En pratique, on s’aperçoit que cette exigence n’est jamais acquise une fois
pour toute et doit faire l’objet de rappels réguliers pour défendre et garantir le
sens thérapeutique de l’accueil familial pour tous les acteurs engagés dans le
soin.
Par ailleurs, l’organisation de synthèses régulières constitue un moment fort
de l’accueil et du soin. Il permet de réunir ces différents niveaux de
fonctionnement en les dialectisant entre eux et de ressaisir pour chacun le
projet de l’enfant. Le temps de la synthèse sera en ce sens un temps
d’appropriation collective de la situation de l’enfant et de son devenir.
3 VERS UNE SPECIFICITE DE L’INDICATION D’AFT :
D’un point de vue général, nous pouvons avancer que le caractère « positif » ou
« par défaut » de l’indication dépend, pour une large part, du sens que chacun
attribuera à l’AFT pour un enfant et à un moment donné. Il dépend aussi des
effets de transformations observées chez l’enfant dans son environnement au
cours de l’accueil. Mais attention, une bonne indication insuffisamment portée
peut générer parfois plus de difficultés qu’une indication « limite » qui pourra
être travaillée.
Même si certaines indications nous apparaissent spécifiques au regard de
notre expérience et des moyens que nous pouvons mettre à disposition, le travail
de l’indication et l’évaluation de sa pertinence tout au long de l’accueil doit nous
faire relativiser l’opposition indication « positive » / indication « par défaut ».
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Néanmoins, l’expérience de ces huit années nous permet aujourd’hui d’affiner et
de dégager certains aspects spécifiques de l’indication d’AFT en pédo-
psychiatrie :
Si l’indication générale concerne les enfants pour qui l’expérience de
séparation est susceptible de relancer le processus de développement, de
nombreuses demandes concernent des enfants autistes ou TED sortant des
hôpitaux de jour et en attente de relais sur le secteur médico-social. Pour ces
situations l’AFT peut être investi dans une fonction d’intermédiaire
potentiellement transitionnelle permettant d’expérimenter la séparation avec la
famille avant de l’envisager sous une forme plus complète à travers l’orientation
en établissement médico-éducatif. Ce type de projet permet en outre de
soutenir et de relancer le soin tout en soulageant les parents souvent épuisés.
Si l’accueil ne permet pas toujours la mise en évidence de changements
importants, il peut trouver un sens minimal dans le maintien des acquisitions et
des capacités de l’enfant. Autrement dit, ce dispositif maintiendrait un niveau
d’interaction et de stimulation permettant d’éviter le risque d’une régression
trop importante ou d’une fixation à un fonctionnement pathologique invalidant.
En revanche, et c’est ce que met en perspective l’accueil de Célestine, les
carences affectives liés à des dysfonctionnements familiaux peuvent être
largement compensées. L’accueil peut s’inscrire ici non pas comme alternative à
l’hospitalisation mais comme alternative à un placement, lequel comporterait un
risque de rupture avec le soin et pouvant être vécu par l’enfant comme un
abandon.
Sans être pour autant des indications spécifiques, les enfants agités, ayant
des troubles du comportement ou ne supportant pas les situations de groupe,
peuvent bénéficier grâce à l’AFT, d’un cadre contenant et sécure au sein duquel
ils pourront expérimenter une relation duelle parfois exclusive mais souvent
structurante.
Dans tous les cas, l’accueil proposé est un accueil séquentiel, organisé sur
mesure et pouvant comprendre éventuellement, en fonction des disponibilités
des familles d’accueil, des repas et des nuits.
L’accueil séquentiel introduit un rythme spécifique pour l’enfant et assure un
cadre de travail permettant à l’assistante maternelle d’être particulièrement
disponible pendant toute la durée de l’accueil, ce qui est plus difficile pour un
accueil à plein temps. L’accueil séquentiel marque de façon suffisamment
régulière, dans son dispositif même, l’enjeu thérapeutique de la séparation.
Enfin, la multiplicité des séquences qui ne répond pas toujours aux demandes
des familles permet de distinguer l’AFT d’une simple garde d’enfant.
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Equipe RAFT, CHS Le Vinatier, Lyon, « Vers une spécificité de l’indication d’AFT »
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En conclusion, nous pouvons penser que le montage proposé, au-delà d’une
simple mise en adéquation des demandes des équipes de soin avec les moyens
d’accueils dont nous disposons, tend surtout à prendre en compte la spécificité
des troubles de l’enfant mais aussi celle du contexte social, familial, scolaire
dans lequel l’enfant évolue.
Malgré le caractère polymorphe et parfois peu élaboré de certaines demandes
qui nous sont adressés, nous avons voulu montrer comment certaines indications
« par défaut » peuvent à l’occasion des rencontres préalables à la mise en place
de l’accueil ou au cours des synthèses organisées pendant l’accueil être ressaisies
et envisagées de façon spécifique.
C’est ce qu’on peut appeler le travail de l’indication lequel se poursuivra tout au
long de l’accueil.
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Equipe AFT Secteur 13, CH Sainte-Anne, Paris « L’AFT - Outil de soins, outil institutionnel »
8èmes journées GREPFA Centre Hospitalier Sainte-Anne - 30 mai 2008 1
Mme Garcia,
Assistante sociale, Equipe AFT du secteur 13, CH Sainte-Anne, Paris
Mme Rideau,
Cadre supérieur de santé, Equipe AFT du secteur 13, CH Sainte-Anne, Paris
Mme le Docteur Rousset,
Equipe AFT du secteur 13, CH Sainte-Anne, Paris
Mr le Docteur Cheref,
Equipe AFT du secteur 13, CH Sainte-Anne, Paris
« L’Accueil Familial Thérapeutique
Outil de soins, outil institutionnel »
Monsieur D. est un jeune homme de 35 ans, il est le cadet de deux enfants, il vit
au domicile familial jusqu’à l’âge de 14 ans. A cet âge, suite à des mauvais
traitements de ses deux parents, il est placé en même temps que son frère en
foyer de la DDASS.
Les contacts avec les parents sont restreints et réduits à des rencontres
furtives et le plus souvent médiatisés, en particulier dans le jeune âge. Depuis
cette rupture, il est confié aux équipes éducatives de la DDASS, vit dans des
foyers pour mineurs et poursuit une scolarité décrite comme médiocre, qu’i
interrompra au cours de la 4ème.
A l’âge de 18 ans, il réintègre de nouveau le domicile familial, il est alors capable
de se défendre, il se montre parfois lui-même violent dans un climat familial non
étayant voir rejetant.
La première décompensation psychotique se produit à l’âge de 19 ans, il est
alors hospitalisé dans un service de psychiatrie à la demande d’un tiers, il est mis
sous traitement neuroleptique et au terme de son séjour hospitalier, il retourne
au domicile familial, un suivi en consultation est mis en place. Toute cette période
est émaillée de fugues et de « mises à la porte », il est alors en errance, vit
dans la rue et consomme des toxiques.
A l’âge de 22 ans, il rompt toute relation et quitte définitivement sa famille
pour être pris en charge par différentes associations et des équipes socio-
éducatives qui lui trouvent des hébergements dans différents foyers sociaux,
les départs se succèdent aux départs et aux changements de foyers.
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 2
Equipe AFT Secteur 13, CH Sainte-Anne, Paris « L’AFT - Outil de soins, outil institutionnel »
8èmes journées GREPFA Centre Hospitalier Sainte-Anne - 30 mai 2008 2
Ces ruptures sont pour la plus part motivées par des départs provoqués par le
patient (à distance des événements, des hypothèses de vécu délirant persécutif
sont avancées ).
Entre 1992 et 1995, Mr D. sera hospitalisé à six reprises, la symptomatologie
est dominée par des manifestations délirantes à thématique persécutive, des
angoisses dissociatives et des épisodes de violence verbale et physique avec
crise clastique, d’intolérance aux frustrations.
Dans les éléments de l’anamnèse, ces hospitalisations sont en liens avec des
mouvements de rejet familial et de l’errance qui en découle.
Nous faisons connaissance avec Mr D. en juin 2005, dans le cadre d’un suivi
spécialisé sur notre centre médico-psychologique, il se présente à la consultation
accompagné par un éducateur, il vivait alors dans un appartement géré par une
association d’aide et accompagnement à la réinsertion sociale et professionnelle.
Sa prise en charge ambulatoire est difficile, le patient ne se rend que très
irrégulièrement aux consultations, la prise de traitement prescrit reste
anecdotique.
Il se montre alors sous des traits de personnalité dyssociale, hostile et devient
rapidement agressif envers le personnel de l’association. Son discours est émaillé
d’un vécu délirant persécutif.
Dans ce contexte, une décision d’hospitalisation est prise.
Au sein du service et au-delà d’une première période faite d’opposition
systématique, le dialogue s’établit progressivement, confirmé par l’amélioration
clinique, avec la disparition des phénomènes délirants projectifs et persécutifs
et le retour à un comportement, à un contact plus cohérent et adapté.
En somme, il s’améliore rapidement dans le cadre institutionnel et s’installe dans
une organisation hospitalière stéréotypée qui le rassure. Même s’il ne critique
que partiellement son comportement, il accepte le traitement et les soins
proposés.
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 3
Equipe AFT Secteur 13, CH Sainte-Anne, Paris « L’AFT - Outil de soins, outil institutionnel »
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Au vu de l’évolution favorable sous traitement, et en concertation avec l’équipe
socio-éducative, une sortie de l’hospitalisation est faite, avec retour à
l’appartement associatif avec suivi en consultation et dispensation du traitement.
Par ailleurs le patient est réadmis en hôpital de jour pour des activités
thérapeutiques et de réadaptation.
En décembre 2006, Mr D. est de nouveau hospitalisé dans le service au décours
d’une recrudescence anxieuse et après passage aux urgences se plaignant de
tremblements dans les jambes.
Depuis plusieurs jours, il ne se rend plus à l’hôpital de jour, il ne se lève pas le
matin, il est incurique.
La verbalisation des conflits reste certes limitée, « je préfère agir dit-il, ou
rationnalise t-il ? » mais Mr D. exprime cependant une thématique à tonalité
dépressive, ou prédomine le sentiment d’une voie sans issue et ce quelque soit
l’effort consenti.
A aucun moment, le patient n’est parvenu à accrocher un suivi au CMP, ni à
investir les activités de l’hôpital de jour.
Le patient est apathique, apragmatique augurant une évolution sur un mode
déficitaire, mais sans expression hallucinatoire, ni délirante.
L’évolution est favorable, avec levée de l’anxiété et de l’inhibition, alors que le
traitement n’est pas modifié. Cette amélioration clinique est essentiellement liée
à la prise en charge institutionnelle : entretien de soutien, prise du traitement,
des repas et éducation à l’hygiène (toilette corporelle avec bain).
Il a pu exprimer ses difficultés à vivre dans un appartement et dit ne plus
vouloir y retourner.
Il accepte et se montre rassuré par les nouvelles modalités de prise en charge
qui lui sont proposées.
Dans ce contexte, Mr D. est admis dans une clinique relais (foyer thérapeutique)
du service. Au sein de cette unité thérapeutique, la prise en charge se poursuit
sans difficultés, ni incidents, les troubles du comportement ont disparu, le
patient est compliant aux soins et se montre sensible aux sollicitations des
soignants.
Apparaissent alors des périodes de régression, le patient laisse alors la
dépendance à l’autre et à l’institution prendre toute sa place, comme seule
« stratégie » qui limiterait de nouvelles ruptures.
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Equipe AFT Secteur 13, CH Sainte-Anne, Paris « L’AFT - Outil de soins, outil institutionnel »
8èmes journées GREPFA Centre Hospitalier Sainte-Anne - 30 mai 2008 4
Au sein de cette unité de soins, la dépendance institutionnelle du point de vue
des soignants prend tout son sens avec l’expression de ses avantages et de ses
inconvénients.
Alors qu’elle est vécue (la dépendance) par le patient comme « salvatrice » et est
exprimée non pas par un moyen verbal (les capacités d’introspection et de
l’expression émotionnelle restant encore dans la retenue chez le patient) mais
comportementale par la disparition de toute manifestation ou de vécu hostile,
par une adhésion aux soins (même si les signes d’une ambivalence sont
perceptibles) et la participation aux activités thérapeutiques.
Du point de vue soignant, cette amélioration clinique par la combinaison de
thérapeutique médicamenteuse et institutionnelle satisfait, mais, si elle
confirme : l’intensité de la pathologie psychotique, les difficultés à gérer seul le
quotidien, l’anéantissement par le vide et le besoin permanent de repères où la
dimension de l’affect est à la dimension du soin ; cette nouvelle donne interroge
par les enjeux et risques de la dépendance et la chronicisation qui viendraient
annihiler toute perspective d’un retour à une vie sociale de qualité.
Par ailleurs, aux enjeux de dépendance institutionnelle, se greffe le risque de
répétitions d’un processus où prime le vécu abandonnique et les perspectives de
nouvelles séparations génératrices d’angoisses dissociatives et de troubles du
comportement comme seule alternative à l’expression d’un mal permanent.
Comme attendu, l’évolution clinique se confirme, Mr D. se stabilise, il est
totalement intégré dans l’unité de soins, tant au niveau de la clinique relais qu’à
l’hôpital de jour.
Malgré son ambivalence, Mr D. semble avoir fait sien que la dimension « soins »
pouvait contenir une dimension protectrice, qui le mettrais à distance des enjeux
affectifs trop invasifs.
Cependant, un lieu de soins ne peut avoir comme vocation première d’être un lieu
de vie au long cours et la réflexion sur la mise en place d’un projet de soins
venant prendre le relais se faisait voir.
Au final, l’indication d’une admission en accueil familial thérapeutique s’est
imposée d’elle-même à l’équipe soignante. D’abord rejetée au vu du mot
« familial », lié à l’histoire familiale de Mr D. faite de maltraitance et de rejet
actif ; Des craintes de résurgences anxieuses et de nouvelles décompensation
avec retour à des processus pathologiques de séparation qui lui seraient imposés
par le changement du lieu de vie, d’interlocuteurs et par une « nouvelle manière »
de gérer le lien et l’affect.
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 5
Equipe AFT Secteur 13, CH Sainte-Anne, Paris « L’AFT - Outil de soins, outil institutionnel »
8èmes journées GREPFA Centre Hospitalier Sainte-Anne - 30 mai 2008 5
Mais, au terme « familial » est accolé le mot « thérapeutique » et cette
perspective de continuité des soins dans la mise en commun des attributs de la
famille associés aux savoirs d’une équipe soignante imposait d’elle-même cette
orientation thérapeutique.
Par ailleurs, la relation thérapeutique établie avec le patient permet d’anticiper
les possibles et éventuelles difficultés.
Mr D. est admis en AFT depuis janvier 2008. Il a repris une autonomie
étonnante, s’intégrant dans la famille nombreuse au demeurant (le couple, 2
enfants et 2 autres patients).
Après une période d’adaptation, et d’accompagnement, il a pu reprendre les
transports en commun et se rendre à ses activités dans l’unité de jour.
Son état clinique reste en relative stabilité sous traitement, il est toujours sujet
à des périodes d’angoisse, mais largement atténuées par l’expérience et la
vérification, puis de la conviction de la persistance des passerelles entre les
membres de l’AFT et l’équipe soignante.
Il se montre toujours dans l’ambivalence face à la nécessité des soins au long
cours, mais reste dans l’acceptation d’un contrat de soins.
A la croisée des chemins, face à la demande et une attente ambivalente de Mr
D., à la fois d’une prise en charge institutionnelle « totale » et d’une réticence
aux soins, l’Accueil Familial Thérapeutique s’est révélé comme seul levier
thérapeutique.
Levier thérapeutique à la reprise de l’autonomie vis-à-vis de l’institution, levier
thérapeutique dans l’acceptation des soins et levier social de par l’investissement
par le patient du lien à l’autre en tant qu’individu et dans la continuité.
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 6
Equipe AFT Secteur 13, CH Sainte-Anne, Paris « L’AFT - Outil de soins, outil institutionnel »
8èmes journées GREPFA Centre Hospitalier Sainte-Anne - 30 mai 2008 6
Equipe AFT du secteur 13
Mme Garcia, assistante sociale
Mme Rideau : cadre supérieur de santé
Mme le Docteur Rousset
Mr le Docteur Cheref
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8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 1
G. Loiseau & E. Léger, « Paroles autour du quotidien »
G. Loiseau
Ergothérapeute, Secteur 75G08, CHS Esquirol, Saint-Maurice
E. Léger
Infirmier, CHS Esquirol, Saint-Maurice
« Paroles autour du quotidien »
1) Avant le film
-Présentation de l’Accueil Familial Thérapeutique du Secteur 75G08, Chef de
service :
Dr ROCHE (CHS ESQUIROL) :
6 familles d’accueil dont le domicile se situe en Seine et Marne (77)
et dans le Val de Marne (94)
7 patients qui ont le statut d’hospitalisé
Une équipe soignante composée de :
un psychiatre, Dr SANANES
une psychologue, Mme MELIARENNE
quatre infirmiers, Mmes BARRE, ELKESLASSY et SAUSSEY, M. LEGER
une assistante sociale, Mme NTAHOMVUKYE
une secrétaire, Mlle RIVOLA
Tous ces postes étant à temps partiel.
Présentation du film (table ronde, séjour thérapeutique) et des participants : M.
LEBOUCHER et M. MICHEL (deux des six patients ayant participé au séjour
thérapeutique).
2) Diffusion du film
POUR DES RAISONS DE CONFIDENTIALITE, LE FILM N’EST PAS
TELECHARGEABLE SUR LE SITE DU GREPFA.
3) Après le film
-Pourquoi un séjour thérapeutique ?
L’augmentation des congés annuels des familles d’accueil
Le choix de ne pas réhospitaliser les patients
L’aspect économique.
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 2
G. Loiseau & E. Léger, « Paroles autour du quotidien »
-Des EVIDENCES se sont imposées à nous :
La formation d’une équipe pluridisciplinaire pour mener à bien ce projet
(une psychologue, un ergothérapeute, deux infirmiers) et non pas un
déplacement de l’équipe « AFT » (représentant les soins, les médicaments,
la maladie, les entretiens )
L’apport d’un matériel photo et d’une caméra
La proposition pendant le séjour d’une table ronde pour faire le point avec
les patients « autour du quotidien » en AFT
La participation des patients à l’utilisation du matériel photo et vidéo
La matérialisation du séjour par des rencontres avec les patients et la
création d’un groupe pour le montage des films et le choix des photos.
-Le rôle d’un ergothérapeute :
Sa place durant le séjour thérapeutique
La continuité avec le CATTP.
4) Conclusion :
Ce séjour était la première expérience pour les soignants et les patients
C’était également un partage et une inscription dans le quotidien avec les
patients ce qui différait de notre rôle habituel.
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 1
Equipe AFT, CH Mazurelle, La Roche sur Yon, « Papa, Maman, A « F » Tachez-moi pour mieux me détacher »
Dr Marie Reveillaud et l’équipe d’AFT du CH Mazurelle, La Roche sur Yon
« Papa, Maman A"F"Tachez-moi pour mieux me détacher »
L’accueil familial thérapeutique donne la possibilité à l’enfant de reconstituer ses
enveloppes psychiques en reconstituant les éléments de discontinuité, en
réparant les trous, les béances liées aux carences, aux traumatismes, aux
troubles de l’attachement précoce.
Le « holding », trouvé dans cette famille complémentaire (la famille d’accueil),
apporte des possibilités de reconstruire une harmonie relationnelle entre le
corps propre à travers les gestes du quotidien et les personnes vivant dans la
famille d’accueil.
L’expérience de nombreuses années de pratique, montre, que par les nouveaux
points d’appui proposés, il est possible, pour ceux qui souffrent de troubles
graves de la personnalité, d’intégrer ces nouvelles enveloppes aux différents
éléments d’enveloppes qu’ils conservent de leurs expériences antérieures et de
leurs liens actuels avec leurs familles.
Par superposition des différents éléments, ils peuvent restaurer leurs
enveloppes psychiques, reprendre alors confiance dans leur capacité à penser et
à agir de manière plus adaptée à l’environnement.
Par exemple, dans une situation où le père est absent ou dans laquelle le père
présente des troubles de la personnalité importants, l’enfant va pouvoir prendre
appui sur le père d’accueil dans les temps où il est en famille d’accueil.
Les pathologies relationnelles graves que l’enfant peut présenter dans le cadre
de sa famille, elle-même pathologique, vont pouvoir, pendant quelques jours par
semaine, être surmontées grâce aux nouvelles interactions, aux nouveaux points
d’appui et aux nouveaux codes de conduite au quotidien qu’il trouvera dans sa
famille d’accueil (tuteurs de résilience comme dirait Boris Cyrulnick).
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 2
Equipe AFT, CH Mazurelle, La Roche sur Yon, « Papa, Maman, A « F » Tachez-moi pour mieux me détacher »
Bien souvent, l’enfant va pouvoir bénéficier d’une psychothérapie ou d’entretiens
individuels ; il est souvent pris en charge, parallèlement, en hôpital de jour ou
dans un groupe thérapeutique au CMP. Les différentes personnes du service, qui
s’occupent de l’enfant, participent alors à la réunion hebdomadaire
institutionnelle de l’accueil familial thérapeutique pour apporter les éléments de
ces espaces de soins.
Notre structure d’accueil familial thérapeutique est caractéristique par certains
aspects.
1) Première caractéristique : Nous ne faisons que du temps séquentiel bien
que, dans les quelques cas que nous allons vous proposer, dans la mesure où l’on
veut présenter les symptômes liés aux problèmes d’attachements, on a plutôt
fait des accueils de 3 à 4 nuits par semaine. Mais le plus souvent, dans notre
structure, nous mettons en place des accueils d’un jour et d’une nuit, ou deux
jours et deux nuits, pour permettre aux parents de ne pas se sentir
déresponsabilisés ou désappropriés de leur enfant.
Si la fonction parentale des parents n’est pas redynamisée après 6 à 8 mois, nous
préférons renoncer à cette forme de soins, au profit d’une aide éducative ou d’un
placement.
Elisa, en AFT pendant 6 mois, sans changement des parents, voire un désintérêt,
il y a eu un signalement, puis un placement.
2) Deuxième caractéristique : les familles d’accueil n’ont aucun contact avec la
famille de l’enfant. L’enfant peut s’approprier totalement l’espace qu’il trouve en
famille d’accueil sans conflit de loyauté et sans être influencé par l’opinion des
uns sur les autres.
3) Troisième caractéristique, c’est l’équipe, dans son ensemble, qui pratique la
supervision de tout le travail. Les soignants fonctionnent en binôme. Il y a deux
binômes par enfant : un binôme, en VAD, en famille d’accueil, tous les quinze
jours, et un binôme, en VAD, dans la famille de l’enfant, tous les quinze jours
également.
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 3
Equipe AFT, CH Mazurelle, La Roche sur Yon, « Papa, Maman, A « F » Tachez-moi pour mieux me détacher »
En différenciant ainsi les deux binômes effectuant les VAD, nous pouvons
compter sur la capacité de chaque binôme à recevoir, toutes les informations,
dans une relation non-chargée des projections négatives de l’autre famille.
Le travail de la réunion consiste principalement à mettre en cohérence
l’expression des uns et des autres (de l’enfant, de ses parents, et de la famille
d’accueil). C’est aussi un apprentissage de chaque soignant à partager ses
impressions, à avoir un regard sur ses propres sensations et sentiments lorsqu’il
entend un enfant qui souffre, une famille qui souffre, et les familles d’accueil qui
s’expriment.
Chacun partage ses observations, ses ressentis avec les autres soignants. Point
besoin pour cette équipe de superviseur spécifique, mais la supervision est, en
fait, une autorégulation de groupe ou une régulation individuelle en groupe.
Une caractéristique de la réunion d’AFT est d’aboutir systématiquement à des
décisions, des projets.
Chacun a donc confiance dans l’effet des échanges et est convaincu que ses
problèmes seront résolus.
Vignettes cliniques
LOIC
Loïc est âgé de 14 ans.
Il nous est adressé après deux mois sans scolarisation ; il ne va pas à l’école
depuis la rentrée scolaire. Dès la première heure, il est pris d’angoisses massives
et il ne peut plus mettre les pieds au collège jusqu’à ce que nous nous occupions
de lui, deux mois plus tard.
Loïc ne connaît pas son père. Sa mère l’a élevé seule. Pendant quatre ans, elle a
été hébergée par ses propres parents à elle. Le père n’a jamais répondu aux
demandes de la mère pour qu’il puisse connaître son fils ou le rencontrer.
Loïc, à la rentrée scolaire, est amené à étudier un texte de Maupassant
concernant un enfant sans père qui se fait moquer de lui par les autres. (« Le
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 4
Equipe AFT, CH Mazurelle, La Roche sur Yon, « Papa, Maman, A « F » Tachez-moi pour mieux me détacher »
papa de Simon »). Cette étude de texte déclenche une crise d’angoisse et le rend
incapable de se rendre au collège.
Sa mère ne décrit pas d’autres problèmes, mais, en fait, elle a déjà consulté
deux ans auparavant, à la rentrée en sixième ; Loïc avait manifesté quelques
angoisses au moment de la rentrée au collège. Des entretiens, avec un
psychothérapeute, l’avaient aidé à surmonter ses angoisses.
Loïc est entré à l’école maternelle à l’âge de 3 ans. Le deuxième jour d’école, il a
dit à sa mère : « pourquoi j’y retourne puisque j’y suis allé hier ? ».
Madame, tout en ayant conscience des difficultés à élever un enfant sans père,
n’a pas conscience de l’importance de ce manque d’appui identitaire. Elle est très
étonnée devant la sévérité des symptômes et totalement débordée.
Elle est rapidement en accord avec notre projet de proposer, à Loïc, un accueil
familial thérapeutique lui permettant de se rescolariser rapidement, ce qui se
passe effectivement. Quatre nuits, en famille d’accueil thérapeutique, avec
intégration dans un nouveau collège, remettent Loïc dans une scolarité normale
dès le premier jour de l’accueil familial thérapeutique.
Loïc se montre un enfant sans problème, charmant, en dehors de son
agoraphobie, qui est donc plus large qu’une phobie scolaire. Il a des angoisses
lorsqu’il est dans un lieu où il y a beaucoup de monde qu’il ne connaît pas.
Parallèlement au soutien identitaire apporté à Loïc, par la famille d’accueil, en
particulier par le père d’accueil, nous apportons une aide très importante à la
mère de Loïc qui peut parler de ses propres difficultés et qui prend conscience
d’un besoin de psychothérapie pour elle-même.
Loïc raconte au père d’accueil un souvenir qu’il a d’un compagnon de sa mère
lorsqu’il était plus jeune. On sent que, pour Loïc, c’était quelque chose
d’important.
Au stade où nous en sommes pour Loïc, nous pouvons dire que l’accueil familial
thérapeutique a permis qu’il ne se déscolarise pas plus longuement et qu’il puisse
continuer à travailler et à utiliser sa pensée pour progresser.
Parallèlement, nous mettons en place une psychothérapie pour lui-même prenant
en charge la problématique œdipienne.
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 5
Equipe AFT, CH Mazurelle, La Roche sur Yon, « Papa, Maman, A « F » Tachez-moi pour mieux me détacher »
Du côté de la mère, elle pourra faire un travail sur elle-même l’aidant à mieux
gérer sa relation à son fils.
Le symptôme a été surmonté grâce à l’accueil familial thérapeutique par la mise à
distance de l’angoisse maternelle liée, en partie, à l’absence de père. La
possiblité, pour Loïc, de s’appuyer sur un homme ayant une fonction paternelle
dans le cadre d’une famille d’accueil où l’interdit de l’inceste fonctionne, l’a
libéré, d’une part, de l’angoisse de la représentation du couple oedipien, et
d’autre part, des conséquences du vide lié à l’absence du père.
L’aspect séquentiel permet à la mère de ne pas se sentir dépossédée et de vivre
pour elle-même en l’absence de son fils.
La règle de l’absence de contact, entre les deux familles, est bénéfique pour
éviter à la mère de se sentir dévalorisée et pour éviter tout jugement sur sa
situation de mère-célibataire.
ROMUALD
A l’âge de 6 ans, cet enfant nous est adressé pour des troubles du comportement
très envahissants : violences, TOP (troubles de l’opposition avec provocations et
avec beaucoup d’insultes et de crachats) ; en plus, Romuald a des comportements
très sexualisés ; il s’exhibe, il touche les parties génitales des hommes comme
des femmes, mais en particulier celles des hommes. Il est exclu de l’école et
nous sommes très inquiets pour ses capacités d’intégration.
Romuald vit avec son père depuis l’âge de 2 ans. Il voit sa mère deux fois par an,
pendant les vacances scolaires. Elle est obligée de venir le chercher en train ou
en taxi, car le père ne veut pas l’aider pour les transports.
Le père présente un trouble de la personnalité très important ; il est
extrêmement méfiant et agressif, provocant et insultant. Nous craignons, pour
Romuald, des comportements sexualisés de la part de son père.
Plusieurs signalements au Juge des Enfants n’ont pas entraîné de réactions de la
part de cette instance protectrice de l’enfance. Le père continue toujours à
élever son enfant, mais devant l’éviction scolaire importante, il est obligé
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d’accepter notre proposition d’accueil familial thérapeutique pour permettre à
Romuald de réinvestir la scolarité.
Grâce à la famille d’accueil, l’enfant va pouvoir fréquenter une nouvelle école.
Avec une maîtresse très tolérante, il pourra utiliser son intelligence pétillante et
renoncer à des comportements violents en famille d’accueil.
Il continue à aller chez son père lors des week-ends. Le père n’accepte pas les
conditions de notre structure qui implique des rencontres deux fois par mois,
mais nous ne voulons pas mettre en péril la fragile restructuration de Romuald.
Nous acceptons donc, à titre exceptionnel, cette absence de rencontre avec le
père tout en maintenant des contacts téléphoniques.
Nous avons l’impression, dans cet accueil familial thérapeutique, que nous faisons
un travail autant social que thérapeutique, mais c’est seulement grâce à cet
accueil que Romuald a pu retrouver plaisir à apprendre ; il a pu avoir, à nouveau,
des relations sociales normales et prendre du plaisir à une vie familiale, partager
des repas conviviaux et apprendre à respecter les adultes.
L’emprise paternelle s’est relâchée lors des jours passés en accueil familial
thérapeutique permettant à Romuald de penser par lui-même.
Le père, probablement inquiété par le dernier signalement que nous avons fait,
décide de déménager pour la troisième fois. Nous n’avons donc plus de contact
avec Romuald aujourd’hui.
MARVIN
Deuxième d’une fratrie de quatre.
Marvin est reçu à l’âge de 9 ans pour des troubles du comportement :
- insultes envers sa mère principalement,
- comportement irrespectueux envers ses deux parents, opposant avec
provocations,
- encoprésie rebelle depuis plusieurs années.
Marvin vient à la suite d’une consultation demandée pour son frère aîné, Adrien.
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Adrien a consulté avec ses parents pour la première fois pour une violence dans
ses comportements, en particulier, envers son frère, Marvin.
Il nous apparaît que le problème le plus important dans la famille est justement
la relation des parents avec Marvin, c’est pourquoi nous décidons de prendre en
charge Marvin tout en maintenant une prise en charge individuelle pour Adrien.
La problématique familiale apparaît d’emblée extrêmement conflictuelle autour
d’un nœud d’angoisses lié à un comportement agressif du frère aîné sur Marvin
lorsque ce dernier était tout bébé.
Des problèmes de santé dans la petite enfance de Marvin ont entraîné une
attitude d’hyperprotection, principalement de la mère, mais assortie d’une
exigence très importante ; exigence d’obéissance. Les problèmes de santé graves
ont entraîné des hospitalisations à plusieurs reprises, aggravant l’emprise
maternelle.
Ces différents accidents de santé ont renforcé l’hyperprotection, mais n’ont, en
aucun cas, diminué l’exigence importante des deux parents, en particulier de la
mère.
L’encoprésie nous semble très liée à l’attitude d’opposition de Marvin envers
l’autorité maternelle, en particulier.
Quelques semaines après la première consultation pour Marvin, on a l’impression
de retrouver la relation de Poil de Carotte avec sa mère ; c’est-à-dire une
relation de violence réciproque, avec un conflit qui nous semble très difficile à
dénouer. Le père n’aide pas la relation mère-enfant, bien au contraire. Il est
extrêmement culpabilisant pour tout le monde. Lui-même est assez violent dans
ses propos, voire irrespectueux envers ses enfants ou sa femme.
Nous mettons en place, avec une adhésion assez rapide des parents, un accueil
familial thérapeutique, à raison de trois nuits par semaine, espérant ainsi
soulager les parents des tensions devenues insupportables à la maison, d’un
envahissement par le caca de Marvin, en espérant également lui redonner un élan
dans son travail scolaire qui pose aussi des problèmes.
Lors des entretiens avec les parents, nous apprenons que la mère, elle-même,
était encoprétique et qu’elle a été mise en internat à l’âge de 12 ans. Elle a
beaucoup souffert des moqueries de ses camarades.
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 8
Equipe AFT, CH Mazurelle, La Roche sur Yon, « Papa, Maman, A « F » Tachez-moi pour mieux me détacher »
Lors d’un entretien avec le père, j’apprends qu’elle était extrêmement inhibée
avant son mariage et le père considère que c’est elle, maintenant, qui prend le
dessus dans le couple et que lui n’a plus son rôle, qu’il avait apprécié au départ, de
protection vis à vis de son épouse.
Les débuts en famille d’accueil thérapeutique sont extrêmements difficiles.
Marvin est très opposant. La famille d’accueil est assez envahie par l’encoprésie,
mais grâce au soutien que nous apportons à cette famillle, les parents d’accueil
réussissent, peu à peu, à aider Marvin à surmonter ses difficultés.
Au bout de 3 mois, le symptôme régresse, mais il réapparaît à plusieurs reprises ;
c’est au bout d’un an seulement que le symptôme d’encoprésie semble avoir
disparu.
Le conflit de Marvin, avec ses parents, reste cependant au premier plan. Si cet
accueil familial thérapeutique a résolu la problématique d’attachement, il n’a pas
dénoué tous les fils du nœud conflictuel l’opposant à ses parents.
Un temps d’accueil expérimental, plus long dans le temps (un mois et demi non-
séquentiel) nous permet de repérer les problèmes de couple des parents et de
proposer un psychothérapeute extérieur au service, espérant ainsi les aider à
retrouver un équilibre familial avant d’accueillir, à nouveau, leur fils.
Au moment de la première sédation du symptôme principal qui est l’encoprésie,
l’enfant présente des troubles du comportement à l’école et un fléchissement du
travail scolaire important.
L’accueil familial thérapeutique aide également Marvin à retrouver son
dynamisme sur le plan des apprentissages, mais il y aura un oscillement pendant
quelque temps entre encoprésie et fléchissement du travail scolaire.
Après deux ans d’accueil familial thérapeutique, Marvin a réussi à vaincre son
symptôme très envahissant. Il a réussi à voir aussi qu’il était capable d’avoir un
comportement différent et de ne pas être, sans arrêt, dans la provocation, mais
cela n’a pas changé les intéractions pathogènes de la famille, c’est pourquoi nous
conseillons aux parents de traiter ce problème dans un autre espace.
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 9
Equipe AFT, CH Mazurelle, La Roche sur Yon, « Papa, Maman, A « F » Tachez-moi pour mieux me détacher »
VERONIQUE
Véronique, à l’âge de 12 ans, présente un trouble de l’attachement sévère avec sa
mère qui est hyperprotectrice et qui, dans le même temps, se plaint de sa fille.
Elle manifeste une phobie sociale. Elle ne sort plus de sa chambre. Elle ne veut
plus aller à l’école. Elle ne veut plus, non plus, rencontrer qui que ce soit.
Véronique a été élevée par ses deux parents jusqu’à l’âge de 3 ans. Jusqu’à l’âge
de 8 ans, elle a rencontré, de temps à autre, son père.
A partir de l’âge de 8 ans, elle ne le voit plus et entend des propos très négatifs,
sur lui, par sa mère, qui, elle-même, a eu une enfance difficile. Elle a été
complice, sans le vouloir, de l’infidélité de son père lorsqu’elle était, elle-même,
adolescente. Elle a une relation très spéciale à son père, très liée à lui, mais
craignant son jugement.
La pathologie de Véronique étant très handicapante, nous mettons en place assez
rapidement un accueil familial thérapeutique quatre jours et quatre nuits par
semaine pour lui permettre de réinvestir la scolarité dans une autre petite ville
de La Vendée avec le soutien de la famille d’accueil.
La mère a beaucoup de mal à accepter cette proposition thérapeutique surtout
que dans sa famille, elle est très critiquée par rapport à ce projet. Son père, en
particulier, a une réaction extrêmement violente ; il met un panneau sur la maison
de sa fille l’accusant de se débarrasser de Véronique.
Parallèlement, la mère révèle une maladie assez importante. Nous l’incitons à
prendre en charge sa santé, mais elle a beaucoup de mal à s’occuper d’elle-même.
Elle souffre de l’absence de Véronique. Elle accepte cependant le maintien de
l’accueil familial thérapeutique en voyant les effets positifs sur sa fille. Avec
beaucoup de courage, elle accepte de se séparer d’elle toutes les semaines.
Le fonctionnement de notre structure d’accueil familial thérapeutique va
permettre à la mère de Véronique d’être très soutenue par les visites à domicile
de deux soignants, tous les quinze jours, chez elle. Elle va d’abord faire un travail
important sur elle-même qui l’amènera à prendre en charge sa santé.
Parallèlement, Véronique réinvestit la scolarité et les relations de camaraderie.
La famille d’accueil que nous lui avons proposée, lors de la première année, n’est
pas affectueuse avec elle, ce qui permet à la mère de Véronique d’accepter cet
accueil thérapeutique, car il n’y a pas d’investissement affectif concurrentiel ; il
y a juste une possibilité de réinvestir le collège et le travail scolaire.
La deuxième année, nous proposons, à Véronique, une famille différente et il nous
semble que la mère de Véronique est capable, à ce moment-là, d’accepter une
certaine concurrence dans la relation affective avec sa fille. Elle se rend compte
que Véronique a bien progressé et qu’elle ne risque pas de perdre l’affection de
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 10
Equipe AFT, CH Mazurelle, La Roche sur Yon, « Papa, Maman, A « F » Tachez-moi pour mieux me détacher »
sa fille. Elle accepte ce relais. C’est alors qu’elle prend plus soin de sa santé et
qu’elle découvre l’étendue de sa maladie.
Véronique va donc terminer sa deuxième année d’accueil familial thérapeutique
en ayant réinvesti le scolaire et la mère peut mettre en place un accueil familial
dans le cadre d’un contrat qu’elle-même va signer ; elle payera la famille
accueillante à la place d’un internat car elle pense que Véronique est plus
heureuse dans une famille que dans un internat.
On peut dire que cet accueil familial thérapeutique a été très utile pour
Véronique et même pour sa mère.
Le travail de régulation hebdomadaire, en équipe, a permis au binôme chargé de
soutenir la mère, d’exprimer son émotion liée à l’angoisse de mort et d’entendre
les besoins de Véronique exprimés par le binôme rencontrant la famille d’accueil.
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 1
Équipe AFT CHU Brest, « Placement Familial Thérapeutique un et pluriel »
Dr Marie-Dominique BAZIRE,
Praticien hospitalier1.
Stéphane LAPLACE,
Psychologue2.
Marie-Claire LEMAITRE,
Cadre infirmier1.
« Placement Familial Thérapeutique un et pluriel »
Résumé :
Les auteurs, dans cette communication, font part de leur pratique commune au sein du
Placement Familial Thérapeutique en tant qu’indication positive de l’Accueil Familial Thérapeutique.
Ils évoquent l’évolution d’un P.F.T. créé il y a 30 ans. De nouvelles pratiques se sont mises en
place, tentant de répondre au mieux aux problématiques de l’enfant en difficulté dans sa famille, qui
plus est avec une pathologie psychiatrique reconnue.
Cette présentation se présentera comme suit :
I) Introduction
II) Historique du Placement
III) Evolution dans l’organisation des placements
1) La préparation du placement
2) Le relais dans le placement
3) Les indications à temps partiels
4) Placement à l’amiable
5) L’observation
6) L’accueil de jour
7) La sortie
8) Le travail en réseau
9) La sortie
IV) Conclusion
I) Introduction :
Placement Familial Thérapeutique : pour être simple, nous dirons que le placement est
le fait qu’un enfant soit élevé par une famille autre que sa famille. Cette situation est connue
depuis l’antiquité. L’histoire, la légende, et le mythe font référence à ce moment où un enfant
se trouve dans une famille qui n’est pas la sienne à proprement parler.
Il existe différents types de placement comme le placement ASE, le placement
familial spécialisé ou le placement à visée thérapeutique dont fait partie le P.F.T. La visée
thérapeutique est imaginée non seulement dans le changement qui est un changement de
famille, dans la vie quotidienne, mais également dans un soutien particulier aux différents
1
Secteur 2 de psychiatrie infanto-juvénile, CHU BREST.
2
Secteur 1 de psychiatrie infanto-juvénile, CHU BREST.
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 2
Équipe AFT CHU Brest, « Placement Familial Thérapeutique un et pluriel »
acteurs ainsi mis en situation : l’enfant, sa famille, la famille d’accueil, outre les autres
acteurs travaillant auprès de l’enfant du fait de sa pathologie.
II) Historique du Placement :
Le P.F.T. est actuellement une unité fonctionnelle du secteur 2 de psychiatrie infanto-
juvénile dont le chef de service est le Dr Maria Squillante.
Il se situe à Brest au 1, rue Etienne Hubac à Brest, dans une maison individuelle.
Dans ses différentes mutations le P.F.T. n’a pas changé de nom sans tenir compte des textes
en vigueur. Cela s’est joué au niveau historique mais nous n’en avons pas la raison précise.
Cependant pour nous le terme de placement est plus clair que le terme accueil dans le
sens où il est fait clairement état de la situation de l’enfant.
L’hôpital psychiatrique de Bohars a été créé en 1975. C’est à l’initiative du Professeur
Didier HOUZEL que le P.F.T. a été créé et conçu comme une alternative à l’hospitalisation
des enfants et des adolescents de 0 à 16 ans.
L’argument était le suivant : « Le besoin d’un placement familial thérapeutique s’est
fait sentir pour, d’une part les très jeunes enfants qui se trouvaient en internat pour lesquels
les parents ne se manifestaient plus ou pas et d’autre part, pour permettre des soins en
externat pour des enfants qui étaient géographiquement éloignés de leur famille naturelle ».
Les débuts du Placement Familial Thérapeutique remontent à septembre 19793.
L’inscription du qualificatif thérapeutique ne semblait pas évident à l’époque puisque dans une
thèse de doctorat en médecine, l’interne questionnait les pratiques du P.F.T. et écrivait : « le
Placement Familial Spécialisé ou, dénomination adoptée par l’équipe, Placement Familial
Thérapeutique »4.
Dans les premiers temps le P.F.T. dépendait d’une structure associative loi 1901,
l’association An Avel Vor [Le vent de la mer] (Association d’Aide aux malades mentaux).
L’encadrement du P.F.T. était essentiellement socio-éducatif. Il y avait des vacations de
pédopsychiatre et de psychologue.
La capacité d’accueil était, et est encore de 16 places.
Chaque famille d’accueil comme aujourd’hui encore n’accueillait qu’un seul enfant du P. F. T. ;
mais à la différence que les familles d’accueil peuvent aujourd’hui accueillir d’autres enfants
via d’autres placements.
Les assistants et assistantes familiaux étaient, comme de nos jours, agréés par le
Conseil Général.
Pourquoi une association et non un service ou une unité au début du P.F.T. ?
Cela s’explique par des dispositions légales en vigueur à ce moment là la réforme
hospitalière de 1970 ne permettait pas la création d’un tel service hospitalier au sein d’un
CHR.
3
Les premiers enfants placés au P.F.T. le furent au mois de novembre 1975.
4
BAZIN-LE ROUX Catherine, Réflexions à propos du placement familial thérapeutique à Brest, Thèse pour le Diplôme d’Etat
Doctorat en médecine, année 1982, page 1.
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 3
Équipe AFT CHU Brest, « Placement Familial Thérapeutique un et pluriel »
En outre, la DASS s’opposait à ce que le directeur du CHR gère également le service du
P.F.T., pour différentes raisons5.
C’est l’association An Avel Vor qui a permis au P.F.T. d’exister en tant qu’unité de soins
autonome, c'est-à-dire avec un prix de journée versé par la sécurité sociale.
Le P.F.T. a fait partie du secteur sanitaire, après l’obtention d’un agrément définitif,
pour 15 places, via la commission régionale de Bretagne, le 30 janvier 1980, au titre de
l’annexe XXIV du code de la sécurité sociale.
Au fil des années6, la gestion d’un tel service s’est avérée trop lourde pour l’association An
Avel Vor dont les moyens ne lui permettaient plus d’en assurer efficacement les
responsabilités.
Depuis 1995, le P.F.T. est donc directement rattaché au CHU.
Par délibération du conseil d’administration du CHU, en date du 5 avril 1995, le
Placement Familial Thérapeutique est défini comme unité fonctionnelle au sens de l’article L
714-20 du Code de la Santé Publique.
Comme dans tout service hospitalier un cadre de santé a été nommé7, puis il y a eu une
création de poste d’infirmier qui est venu s’ajouter au poste d’éducateur existant.
Les quarts temps de pédopsychiatre, de psychologue et de secrétaire ont été maintenus.
Cette mutation du P.F.T. brestois a entraîné une véritable mutation des pratiques.
Tant du côté de l’organisation des placements judiciaires classiques que de la nouvelle mise en
place des modalités de travail :
- le placement à l’amiable ou accueil contractuel
- les observations ou accueils séquentiels
- l’accueil de jour
- la prise de conscience de l’importance majeure du travail en réseau.
Les modes et accueils
Un seul enfant du P.F.T. est confié par famille d’accueil, sans exclure la présence
d’autres enfants placés et suivis par l’ASE ou en PFS.
Différents modes d’accueil sont proposés, permanents à titre continu ou intermittent ou
encore de relais.
Les placements s’inscrivent dans un cadre amiable ou judiciaire.
5
La première d’ordre financier car la pension allouée aux assistantes maternelles auraient été insuffisantes. Deuxièmement, la
nécessité d’avoir un personnel spécialisé pour s’occuper des graves handicaps présentés par les enfants alors accueillis.
6
Etre assistante maternelle dans un service d’accueil familial thérapeutique : Au delà des aspects statutaires de la fonction , page
35.
7
à défaut d’avoir pu trouver un cadre socio-éducatif.
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 4
Équipe AFT CHU Brest, « Placement Familial Thérapeutique un et pluriel »
Les missions :
→ accueillir des enfants ayant des troubles de la personnalité et/ou du comportement,
bénéficiant d’un suivi spécifique chez des assistants familiaux agréés par le conseil général,
recruté par l’équipe au P.F.T. et salariés par le CHU.
→ organiser l’accueil et participer au traitement des enfants et ados susceptibles de retirer
un bénéfice d’une prise en charge dans un milieu familial substitutif.
→ soutenir les assistants familiaux dans leur quotidien auprès de l’enfant et dans leurs
relations auprès des institutions.
→ proposer un accueil familial spécifié et adapté à chaque enfant en fonction de sa pathologie
et de son évolution.
→ accompagner l’enfant dans ses différents lieux de vie et de prise en charge.
→ associer la famille à la prise en charge de leur enfant.
→ travailler à l’amélioration des liens parents/enfants en prenant compte les capacités de
chacun.
→ inscrire l’enfant dans un projet singulier dont il est acteur.
→ assurer un travail en réseau avec les familles d’accueil, les institutions scolaires et de
soins, les services sociaux.
Le fonctionnement du service :
Il consiste à faire :
→ la sélection et formation des assistants familiaux
→ la préparation et accompagnement des placements (visites à domicile, groupes de parole,
entretiens, etc.).
→ l’encadrement des visites enfants/parents, fratrie
→ le soutien à l’intégration sociale de l’enfant avec mise en place de différentes activités
gérées par le service
→ le travail de liaison.
III) Evolution des pratiques :
Plus que de l’évolution des pathologies, l’évolution des pratiques au sein du P.F.T. a été
le fruit de transformations et l’apparition de questionnements pour nous professionnels.
Parmi ces questionnements on peut repérer notamment :
Comment faire dans une famille avec l’enfant malade, et l’enfant psychotique en particulier ?
Question que l’on se pose tout d’abord du côté des parents.
Il y a lieu de penser l’enfant non pas en tant qu’individu pris isolément mais en tant que
membre d’une famille, avec sa propre histoire, même si son rapport à la famille diffère de
celui d’un autre enfant.
C’est en acceptant cette base de travail que l’orientation des modalités d’intervention
et de pratiques s’est faite avec les uns et les autres : entre l’enfant et la famille d’accueil,
entre l’enfant et sa famille.
Un travail de l’entre qui est à construire, tisser selon chaque histoire, chacun des enfants.
Nous travaillons avec les familles. Cela signifie que nous prenons le temps de nous rencontrer
et de discuter. Il faut beaucoup de rencontres pour que les uns et les autres fassent
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 5
Équipe AFT CHU Brest, « Placement Familial Thérapeutique un et pluriel »
connaissance, même si dans le temps de la première rencontre les bases seront posées - que
l’on y soit attentif ou non. Toujours est-il qu’il faut du temps pour se parler, pour dire, enfin
ses difficultés, ses propres difficultés parentales, ses points d’impasse et de butée.
Dans cette mise en parole, en pensée, un travail s’effectue du côté du parent qui n’est
plus pris dans un impératif social, dans le regard du professionnel que nous incarnons. Il y a
des choses qui sont alors déposées pour pouvoir construire autrement. C’est donc d’un dé-
nouage qu’il s’agit d’opérer plus que d’une application de modes de faire, de modes de
conduites parentales à suivre.
Même si ce temps peut être abordé par la suite dans le mode d’être à son enfant : lui faire à
manger, que faire avec : l’amener au parc, être avec lui, jouer
Des modalités qui paraissent simples, certainement trop facilement naturelles mais qui
ne le sont aucunement pour les parents avec qui nous avons à faire, quand ces parents sont
toujours présents car il arrive que certains parents n’arrivent à tenir que d’être éloignés de
leur enfants. C’est dans une mise à distance de kilomètres, que le parent devient davantage
capable d’être attentif à son enfant.
C’est donc à des optiques paradoxales que nous avons à faire, où notre savoir est mis à mal.
D’ailleurs, n’est-ce pas là le propre de tout parent d’être mis à mal dans son savoir, car
l’enfant nécessite avant tout une approche singulière plus qu’une reproduction de savoir établi.
Dans cet accompagnement, au cas par cas, il nous faut nécessairement dirions-nous,
prendre le temps de mettre en mots les choses, les situations comme nous les appelons en
tant que professionnels.
La position du psychologue est alors intéressante car elle vient marquer un décalage,
opérer une certaine distance entre les idées toutes faites et une tentative de compréhension
si ce n’est d’interprétation dans la quête vaine de sens mais pour autant nécessaire pour le
professionnel qui opère dans le quotidien de l’enfant.
Le discours vient alors comme mode littéral de pensée. Penser les choses, non pas pour
l’autre, mais déjà pour soi-même histoire de mettre des questionnements sur ses propres
savoirs professionnels.
Il s’agit là d’une mise au travail du faire avec. Cela ne va pas de soi, bien au contraire.
D’où la nécessité de creuser des écarts pour que les parents, l’enfant, auprès de
professionnels puissent nouer, ou renouer au mieux de nouvelles expériences jusque là
échouées.
A) Evolution dans l’organisation des placements
A l’origine du placement, il n’y avait pas ou peu de droits d’hébergement pour l’enfant
dans sa famille. Il était habituel de dire qu’il fallait laisser les enfants s’installer dans leur
placement.
Les familles d’accueil demandaient très peu de vacances et se devaient de rester
disponibles pour l’enfant du fait de sa pathologie. On disait des enfants : « ils n’aiment pas le
changement ».
La durée moyenne du placement était longue, d’où une difficulté importante à se
projeter vers une sortie.
L’âge de départ du P.F.T. dépassait largement le cadre des 16 ans sans qu’un projet de
sortie ne soit vraiment préparé.
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 6
Équipe AFT CHU Brest, « Placement Familial Thérapeutique un et pluriel »
Face à ce postulat, trois positions fondamentales ont émergées dessinant de nouvelles
orientations dans nos pratiques :
1°) l’importance de la préparation du placement ;
2°) la mise en place de relais ;
3°) la notion de placement à temps partiel.
A.1.1) La préparation du placement
Ce temps conditionne le déroulement et l’avenir du placement.
Après une présentation de l’enfant par toute équipe demandeuse, une indication est
posée.
Nous rencontrons ensuite l’enfant et sa famille. Le choix fait par l’équipe est que
l’enfant nous connaisse et inversement avant d’engager la première rencontre avec l’assistante
familiale.
C’est ainsi inscrire l’espace temps d’une projection et d’un cheminement dans le
placement à venir, pour l’enfant et ses parents, comme pour l’assistant(e) familial(e).
Il est essentiel d’obtenir une adhésion suffisante de l’enfant et de sa famille, même
dans le cadre d’un placement judiciaire pour que le projet de placement puisse prendre forme
surtout dans sa dimension de soin.
Le temps pris à la préparation du placement permet à l’enfant de mieux comprendre ce
qui se joue pour lui, et avec lui, et permet également de penser un projet de soins spécifique à
l’enfant.
Ce projet de soin est présenté à l’enfant et à ses parents, avec la famille d’accueil
réunis pour un premier et seul - entretien de rencontre.
A.1.2) Le relais dans le placement
Le relais dans le placement a été pensé comme une nécessité pour chaque enfant -
indépendamment du cadre de son placement - avec l’objectif de travailler la séparation, au
départ, d’avec l’assistante familiale.
Cela a été l’occasion pour la plupart des enfants de reparler de la séparation d’avec leur
parent ou /et d’une précédente famille d’accueil.
Le relais amène un espace tiers qui laisse de la place aux parents. Comme si cela
décollait l’enfant de sa possible appartenance à la famille d’accueil.
C’est un changement qui nous a aidés à préparer la mutation dans le statut des
assistants familiaux avec le droit aux congés.
Autant nous étions au départ dans un postulat systématique du relais, autant nous
pouvons maintenant nuancer au cas par cas les propositions en les adaptant à chaque enfant
selon les moments de sa vie. En les diversifiant, dans le rythme, dans une combinaison
possible, non pas relais dans une famille d’accueil nécessairement mais également dans un
élargissement du droit de visite et d’hébergement chez le ou les parents, dans des séjours,
accueils à la ferme (comme une palette d’expériences nouvelles proposées à l’enfant).
Ces temps de séparation nous permettent d’avoir des regards différents sur l’enfant (dans
ces espaces l’enfant peut aussi se montrer différent), et parfois de croiser les regards dans
les réunions d’assistants familiaux si le relais est effectué par une assistant(e) familial(e) de
notre service.
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 7
Équipe AFT CHU Brest, « Placement Familial Thérapeutique un et pluriel »
Vignette clinique : la situation d’Annabelle, née le 21/10/2003.
Annabelle, petite fille de 4 ans, placée à l’âge de 18 mois dans un foyer d’urgence où
elle restera deux jours avant d’être confiée à une première famille d’accueil pour une semaine.
Annabelle sera ensuite placée dans une seconde famille, celle qui était pressentie au
cours d’un projet travaillé précédemment dans le cadre d’une I.O.E., le placement ayant eu
lieu 8 jours avant l’audience.
Un an après, la prise en charge de l’enfant dans cette deuxième famille s’arrête du fait
des incidences des troubles d’Annabelle sur les propres enfants du couple d’accueil.
Les troubles du comportement se manifestaient par une instabilité majeure, des mises
en danger permanentes, une agressivité, et des comportements sexualisés (elle était décrite
comme une enfant sauvage, sans langage).
Annabelle est donc ensuite placée chez M. & Mme T, troisième famille d’accueil alors
qu’elle n’est âgée que de deux ans et demi.
Mme T. après un début (un mois) assez facile, Annabelle s’est littéralement accrochée
à Mme T. et à sa fille aînée dans une relation d’exclusivité, manifestant un très grand
sentiment d’insécurité.
Vue en consultation en pédopsychiatrie, à la suite d’une prise de contact avec un
CAMPS, elle est ensuite orientée vers un hôpital de jour où elle sera prise en charge en
septembre 2006.
Le diagnostic posé est alors : trouble de la construction de la personnalité avec un tableau de
carences affectives et éducatives, et séquelles de maltraitance.
Une orientation en P.F.T. a été proposée dans un contexte de possible rupture du
placement tant l’assistante familiale et sa famille étaient malmenées par les troubles
d’Annabelle.
Mme T. a accepté de travailler avec nous malgré ces réserves.
D’emblée la question du relais s’est posée, sous l’angle d’une nécessité pour préserver la
continuité du placement même si l’assistante familiale se sentait coupable d’abandonner
Annabelle.
Un premier contact avec une famille d’accueil relais connue du service est proposé, ce
qui a mis en évidence la réactivation d’angoisses. Nous nous orientons alors vers une prise en
charge en collectivité qui pourra se montrer moins menaçante pour Annabelle.
Elle sera ainsi accueillie dans un foyer de l’enfance, lieu connu d Annabelle et de sa
maman (premier placement) et cela nous donne la possibilité de retravailler la première
séparation qui a été manifestement traumatique.
La séparation lors du premier relais est extrêmement difficile pour Annabelle qui tombe
malade la nuit précédente. Poussée de fièvre importante, qui amènera Mme T. à dire sa
difficulté à accepter cette séparation au point qu’Annabelle et Mme T. ne se sont pas
réveillées pour arriver à l’heure du rendez-vous fixé pour le relais.
Malgré tout Annabelle s’adapte plutôt bien, elle repère les locaux et semblera rassurée
par les lieux.
Cette préparation de relais venait aussi répondre à la demande de congés de Mme T. et
au regard des observations faites sur ces deux temps d’accueil nous prenons la décision
d’instaurer un relais régulier les premiers et troisièmes week-ends du mois, en partant du
postulat que cette fréquence et cette régularité pouvaient sécuriser suffisamment Annabelle
pour qu’elle investisse les lieux.
Actuellement cette rythmicité est toujours d’actualité.
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 8
Équipe AFT CHU Brest, « Placement Familial Thérapeutique un et pluriel »
Nous avons pu remarquer un ré-aménagement des liens entre cette enfant et son assistante
familiale. Au fil des relais il est noté un apaisement d’Annabelle qui lorsqu’elle passe devant le
foyer dit « c’est ma maison ».
C’est aussi à ce moment là où Annabelle a pu évoluer au travers de l’acquisition de la
propreté,et d’ une évolution de langage qui lui permet d’exprimer davantage ses émotions.
Les séparations tout en restant difficiles sont moins génératrices d’angoisses majeures.
A.1.3) Les indications à temps partiels
Elles se sont précisées au cours des années 2000, après avoir fait le constat qu’une
famille d’accueil auprès de certaines pathologies ne pouvait pas être en mesure de faire face
à l’enfant, seule. Il est illusoire de penser que là où une institution ne pourrait pas faire avec
un enfant, une famille d’accueil pourrait, elle, tenir.
Il est souvent question dans notre pratique de cette sollicitation du P.F.T., là où
d’autres ont échoués, dans l’illusion qu’une famille pourrait guérir l’enfant. C’est faire
l’économie du contexte et de la pathologie de l’enfant.
Un enfant, dans une instabilité majeure, nécessitant une attention constante, ces
troubles là sont impossibles à vivre au quotidien d’une famille. La famille d’accueil se voit
obligée de revoir en totalité son cadre de vie qui finit par ne plus en être un.
L’indication à temps partiel pose le postulat suivant : une famille d’accueil seule ne
pourra pas être suffisante, à ce cadre de travail là, il faudra y adjoindre une institution, type
foyer, où les conflits se jouent différemment.
Cette pratique est souvent difficile à mettre en place du fait de la réticence des
partenaires qui estiment que la vie de l’enfant peut s’en trouver morceler.
Cette indication nécessite un travail de liens importants,où l’accompagnement régulier
de l’enfant par les membres de l’équipe prend tout son sens, en vue de garantir la cohésion du
projet.
Indication du fait des troubles de l’enfant et de leur difficulté :
Vignette clinique : Martial né le 31/05/1994
Martial est un enfant né à l’étranger, dans un pays de l’est. Arrivé en France avec un
projet d’adoption qui n’arrivera pas à son terme, puisqu’il n’y a pas eu d’adoption plénière. En
effet, Martial a été retiré de sa famille adoptive pour cause de maltraitance.
Il est alors placé en institution (foyer d’urgence) un an après son arrivée en France. Il
présente de graves troubles de l’attachement et de la personnalité, qui se manifestaient par
des épisodes d’agressivité, de décharges pulsionnelles importantes, et mouvements d’attaques
par rapport aux images maternelles principalement (le mari de l’assistante familiale était
épargné).
Le P.F.T. a été sollicité par le foyer en vue d’un placement en famille d’accueil, avec
l’idée de retravailler un projet d’adoption. Face à cette demande ambiguë et la difficulté
exprimée par Martial de quitter le foyer avec une grande peur d’être de nouveau
abandonné, l’orientation a été un placement à temps partiel, avec un maintien de la prise en
charge au foyer à mi-temps.
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 9
Équipe AFT CHU Brest, « Placement Familial Thérapeutique un et pluriel »
Ce projet avait pour but de permettre à l’enfant de s’inscrire, à sa manière dans une
famille d’accueil, dans une temporalité qui était la sienne, tout en préservant les liens qu’il
avait pu tisser avec l’institution. Il était en effet pris dans un double mouvement d’agressivité
et d’évitement auprès de son assistante familiale avec des attentes massives. Nous avons
donc pensé que le maintien des liens avec son foyer était une base sécure à respecter car cela
lui permettait de se lier à d’autres.
De son côté, le foyer craignait que l’indication à temps partiel rende plus difficile
l’intégration dans une famille d’accueil, ce qui n’a pas été le cas.
Néanmoins il a fallu un temps pour que la famille d’accueil puisse s’attacher à Martial et
que Martial puisse suffisamment leur faire confiance. A de maintes reprises Martial a projeté
à l’extérieur une image très négative du couple d’accueil, faisant penser que l’on ne s’occupait
pas bien de lui, voire que son assistante familiale était maltraitante.
Aujourd’hui Martial a quitté son foyer dans le cadre d’une réorientation vers un ITEP
avec internat (août 2006). Cela lui permet de se considérer comme un enfant ayant une
famille. Il est assez près de sa famille d’accueil tout en étant assez loin.
Toutefois même s’il y a une évolution positive de cet enfant, nous envisageons de
penser à un autre lieu à côté de la famille d’accueil pour accompagner Martial dans un projet
d’avenir (avec une expérience de parrainage malheureuse).
B) Placement à l’amiable
Les placements à l’amiable correspondent pour l’essentiel, à notre sens, à l’alternative à
l’hospitalisation. On pourrait nommer cet accueil "accueil thérapeutique contractuel".
Lorsque les troubles d’un enfant ne peuvent plus être gérés par ses parents, pris eux-
mêmes dans leurs propres difficultés pour diverses raisons, une indication de placement à
l’amiable peut être proposée.
A la différence du placement judiciaire les parents se retrouvent acteurs de ce
placement, et se mobilisent différemment.
Les parents demandeurs du placement de leur enfant porteur d’une pathologie
induisent une position différente de notre part. Nous nous inscrivons d’emblée dans un autre
rapport avec ces parents basé sur la négociation. Les positions sont davantage rigides dans le
placement judiciaire, cet aspect autoritaire est moins pesant dans le cadre du placement
amiable où nous intervenons dans une position de soins, sans doute plus nette. Sans oublier
une dimension de prévention dans la fratrie ou dans le cas de la naissance d’un autre enfant.
Un placement fait avec l’accord des parents (sans cadre judiciaire) présente l’avantage
d’une plus grande implication des parents dans la prise en charge de leur enfant et permet
d’avoir une réelle alliance thérapeutique basée sur la confiance mobilisatrice de changements
dans les relations intra familiales. Nous soulignons que cette approche nous a amené à
considérer autrement la place des parents.
Cette expérience de travail avec les parents nous a amenée à penser autrement le
droit de visite dans le cadre des placements judiciaires avec un élargissement du droit de
visite chez les parents parfois soutenu par l’intervention d’une Travailleuse familiale de
prévention.
Nous privilégions actuellement les visites encadrées par notre équipe au domicile des parents
ou sur l’extérieur plutôt qu’en lieu neutre.
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 10
Équipe AFT CHU Brest, « Placement Familial Thérapeutique un et pluriel »
C) L’observation
Il s’agit de temps courts d’hospitalisation chez des assistants familiaux de notre
service.
Nous privilégions des temps d’observation de trois semaines de façon à mieux
identifier ce qui est induit par les troubles de l’enfant de ce qui est de la pathologie familiale.
Ces observations peuvent s’arrêter au bout de trois semaines mais encore s’orienter
vers des propositions d’accueil relais couplées à un suivi en visite à domicile engageant un
travail avec les parents.
Elles peuvent prendre la fonction d’un nouvel éclairage par rapport aux projets de
soins initiaux.
Vignette clinique : Simon né le 18/12/1997
Simon, d’origine asiatique, a été adopté à l’âge de 1 an. Il est pris en charge, dans un
CATTP, depuis ses trois ans. A l’époque, ce qui est repéré est un gros retard de langage avec
une grande inhibition. Simon apparaît comme un enfant replié, accroché à sa mère. Il souffrait
par ailleurs d’un problème de surdité.
Manifestant des troubles du comportement faisant évoquer un trouble envahissant du
développement, le médecin du CATTP interpelle le P.F.T. pour une demande d’observation en
famille d’accueil en raison de la discordance entre l’évolution observée, depuis un an au CATTP
et à l’école, et de la persistance, voire l’aggravation des troubles dans le milieu familial.
A la maison Simon n’a pas d’initiative, ne peut jouer seul, est en collage avec ses frères
et sœurs au point de les envahir. Crises à la moindre remarque, à la moindre frustration, au
moindre changement. Simon peut crier durant une heure, une heure et demie, envahissant
l’espace familial et mettant ses parents dans une incapacité à agir.
Cette observation sous forme d’un accueil de trois semaines a permis de mettre à jour
les difficultés de séparation de Simon et de sa mère qui jusque là n’avaient pas pu être
verbalisées.
L’enfant affichait une sorte d’indifférence froide à l’égard de son parent, alors que sa
mère présentait une grande tristesse, dans un état de sidération.
La mère de Simon a alors pu évoquer la culpabilité qu’elle portait, qu’elle avait eu, lors
de son toute première rencontre avec cet enfant. Durant ce moment, elle nous dit avoir été
dans la situation d’arracher Simon aux bras de sa grand-mère pour se rendre à une visite
médicale avant adoption. Quelque chose qui jusque là n’avait pas pu être élaboré a permis à
cette femme de pouvoir s’inscrire en tant que mère.
Suite à cette première période d’observation nous avons proposé des accueils relais,
chez la même assistante familiale sur des temps de vacances scolaires. Cela a permis de
travailler la relation mère-enfant, ainsi que les relations parentales.
Simon a pu apprendre à verbaliser ses difficultés de séparation au cours des moments
de départ et de retour dans sa famille.
Alors que la demande initiale était de travailler autour de la séparation et de la
distanciation de Simon, nous avons permis une nouvelle rencontre entre Simon et ses parents.
En conclusion ce travail d’observation a permis à Simon de faire l’expérience que l’on
peut se quitter sans s’arracher, ou être arraché.
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 11
Équipe AFT CHU Brest, « Placement Familial Thérapeutique un et pluriel »
D) L’accueil de jour
L’accueil de jour fait partie de nos nouvelles pratiques.
La meilleure connaissance de la psychopathologie infantile, l’action de sensibilisation conduite
depuis plusieurs années auprès de nos partenaires (PMI, pédiatrie, Education Nationale,
CMPP) détermine une augmentation de la demande de soins.
Nous avons été amenés à diversifier nos outils thérapeutiques et à prendre en compte de
plus en plus le nécessaire travail avec les familles.
En effet, nous constatons de fréquents dysfonctionnements des interactions parents/enfants
dès le plus jeune âge ou des parents eux-mêmes souffrants psychiquement ou de
configurations familiales précaires ou in sécurisantes.
Il a donc été envisagé de pouvoir proposer pour les enfants jeunes et leurs parents un accueil
familial de jour pouvant avoir un rôle d’étayage, de mobilisation d’un fonctionnement
interactif pathologique.
Vignette clinique : Mélissa, petite fille de 4 ans, née en mai 2001.
Mélissa présente des troubles autistiques avec absence de langage (mots en écholalie),
hospitalisée en CATTP depuis septembre 2003.
Les deux parents présentent une pathologie psychiatrique. La maman souffre de
troubles graves de la personnalité avec une symptomatologie dépressive (sa scolarité s’est
faite en IME). Le père est porteur d’une pathologie obsessionnelle. Il est bien inséré
professionnellement.
Mélissa est la seule enfant du couple. Le diagnostique de trouble autistique a été posé
lorsque Mélissa avait deux ans et demi, date de son entrée au CATTP.
Une orientation vers un accueil de jour a été posée du fait de la difficulté parentale à
assumer la prise en charge de Melissa telle qu’elle était proposée par le service.
Cela se traduisait par une irrégularité des temps passés par Melissa au CATTP ainsi
qu’à l’école. C’était en fonction des disponibilités psychiques de la maman. Mélissa,
parallèlement évoluait peu (troubles du langage, non acquisition de la propreté, troubles du
sommeil et de l’alimentation).
Les parents de Mélissa ne parvenaient pas à s’occuper d’elle et la maintenaient dans un
statut de tout petit.
La vie à la maison était rythmée par les troubles de l’enfant sans ajustement parental
possible. Ainsi, pour palier aux troubles du sommeil de Mélissa les parents déplaçaient le lit au
gré supposé des besoins de leur enfant.
La chambre était envahie de jouets telle une salle d’exposition. Et Mélissa ressemblait
à une jolie poupée que l’on déplaçait, ou photographiait.
La mise en place d’un accueil de jour sur 3 demi-journées par semaines chez une
assistante maternelle PMI, en complément de l’école, a permis à la maman de rompre avec son
isolement et de sortir de son état dépressif.
S’appuyant sur le temps d’accompagnement et d’échanges avec l’assistante maternelle
et l’équipe, elle a pu s’aménager des temps de séparation d’avec sa fille, des espaces qui l’ont
aidée à prendre confiance en elle. Elle a alors été en plus grande capacité de prendre en
compte les besoins de Mélissa, d’évoluer dans des interactions moins pathologiques, et vers un
processus d’individuation.
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 12
Équipe AFT CHU Brest, « Placement Familial Thérapeutique un et pluriel »
Le papa a pu prendre une autre place. Mélissa quant à elle a pu rencontrer une
personne qui a su s’ajuster à ses troubles et aider ses parents à faire de même.
La prise de conscience et l’acceptation du handicap ont fait partie de l’évolution de la
situation avec une orientation vers un IME, projet qui était impossible à envisager pour les
parents.
Au total cette observation pour laquelle à un moment donné il a été question
d’un signalement a évolué vers la demande exprimée des parents d’un accueil relais en famille
d’accueil ponctuel comme une aide à leur parentalité.
E) Le travail en réseau
Le travail en réseau constitue une part très importante du travail du placement
familial puisque le service se situe au carrefour et l’interface des prises en charges
nombreuses dont bénéficient les enfants qui nous sont confiés.
Nous sommes amenés à travailler avec les services sociaux (ASE, TFP essentiellement). Le
tissage et le maintien de relations solidaires permettent un meilleur maillage autour de
l’enfant, de ses parents.
Le travail se fait autour de rencontres régulières avec les référentes ASE, au service
ou lors de synthèses externes.
Les liens avec les IME, les CLISS, l’école, leurs services de soins sont indispensables à
maintenir et entretenir. Les oublis et les mal entendus étant extrêmement fréquents, tant
parfois il est difficile de voir un enfant malade dans sa globalité et dans le quotidien d’une vie
ordinaire (chez l’assistant familial ou dans sa famille).
Beaucoup d’écueils sont à travailler et à repérer comme les phénomènes de clivages, de
rivalités, les répercussions des difficultés institutionnelles.
Les accompagnements de l’enfant dans l’écoute et les observations partagées
participent à ce travail.
Ce travail en réseau constitue les conditions sine qua non à l’élaboration d’un projet de
sortie cohérent et dans la continuité de ce qui à été travaillé.
F) La sortie
Envisager une sortie n’est pas toujours une mince affaire.
Elle dépend de l’évolution de l’enfant, de sa famille, de l’orientation : des décisions
judiciaires quand elles existent. Tout ceci ne s’harmonisant pas forcément.
Nous sommes parfois, du fait de l’orientation en ITEP ou en IME, la seule référence
psychiatrique institutionnelle (prise en charge préexistante).
De plus, la sortie se fait souvent au moment où le jeune doit quitter la pédopsychiatrie
pour le secteur adulte (16 ans).
Dans ces cas, le travail en réseau doit être opérant afin qu’il n’y ait pas un sentiment
de lâchage ou d’abandon (que ce soit du côté du jeune, de la famille, des institutions etc.) car
autant un début placement est compliqué, autant l’arrêt se montre acrobatique.
Nous avons recours au réseau pour que cela se fasse le mieux possible. De nombreux
montages sont utilisés.
Pour un placement judiciaire, le relais du suivi dans le cadre de l’ASE reste simple
parce qu’il y a maintien de la collaboration avec le référent ASE sur le temps de suivi par
notre service et qu’il s’inscrit dans la continuité. Nous avons accompagné l’enfant et sa famille
ensemble, dans un même mouvement qui se continuera par la suite.
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 13
Équipe AFT CHU Brest, « Placement Familial Thérapeutique un et pluriel »
Pour les placements à l’amiable, cela est plus délicat.
Nous avons souvent assisté à une amélioration notable de l’état de l’enfant (régression
ou stabilisation des troubles, capacités à s’intégrer dans un milieu scolaire ordinaire, bonne
intégration en milieu spécialisé) sans qu’il y ait possibilité d’un retour dans la famille car les
parents restent très démunis ou porteurs de pathologies importantes ; parents auprès
desquels pourtant le placement à l’amiable a permis un énorme travail.
Dans de telles situations, nous les avons accompagnés à faire une demande auprès du
juge pour permettre la poursuite du placement sans rupture.
Vignette clinique : Etienne né le 17/01/1994
Enfant suivi depuis ses 2 ans et demi, en CATTP (séances mère/enfant).
Etienne a des antécédents lourds de pathologie organique.
→ Maladie de Hirchprung, opéré à la naissance avec une hospitalisation sur 10 mois environ
lors de la 1ère année.
Il a eu un anus artificiel pendant quelques mois.
Les parents sont très démunis :
→ la mère est psychotique (avec ATCD de syndrome dépressif et passage à l’acte).
→ le père est dans le registre psychopathique.
Etienne est l’aîné de 4 enfants.
La demande de placement intervient dans un contexte de difficultés majeures du couple à
s’occuper de leur enfant.
Madame étant persécutée par son fils. Elle rapporte la difficulté de la mise en place des liens
avec celui-ci du fait des hospitalisations précoces et de la lourdeur de la pathologie.
Etienne est un enfant également très persécuté par son entourage.
Il a des idées délirantes, parfois critiquées, mais envahissantes. Ses capacités
d’apprentissage restent bonnes.
Il a été admis au P.F.T. en 99 dans un contexte contractuel avec les parents, avec un maintien
de droits de visites et d’hébergement sur les week-ends et les vacances scolaires mais avec
des variations en fonction de l’état de la maman (dans la qualité des accueils).
La famille, pour laquelle, auparavant des interventions de secteur avaient échouées (car
vécues comme persécutrice) s’est saisie de nos propositions de soins.
Le papa a pu s’étayer sur nos interventions pour pallier aux difficultés de son épouse. Un suivi
psychiatrique de Madame a pu se mettre en place ainsi qu’une mesure de protection pour les
autres enfants.
L’amiable a permis sans doute un travail que le judiciaire aurait contrarié et même empêché.
Aujourd’hui, Etienne va sortir du P.F.T. Il est en ITEP.
Pour permettre la faisabilité de ce projet, nous avons travaillé auprès des parents qui ont ont
initié eux-mêmes une démarche auprès du juge pour enfant, afin de pérenniser le placement
sur un mode judiciaire, dans l’idée d’un maintien en famille d’accueil sur un mode relais. Les
parents étaient conscients de leur limite et de leur besoin d’être accompagnés.
Dans une autre situation, nous avons eu recours à l’hospitalisation à domicile (service
de pédopsychiatrie). Cas de Laurent né le 15/01/1996.
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 14
Équipe AFT CHU Brest, « Placement Familial Thérapeutique un et pluriel »
Quelques fois, des solutions d’internat en ITEP ou IME solutionnent la sortie mais très
souvent des placements relais restent nécessaires.
Les durées moyennes de placement sont longues : 7 à 8 ans, mais avec des évolutions
possibles dans les modalités de placement (évolutions vers des placements séquentiels) au sein
de cette durée.
IV) Conclusion :
Que dire au moment de conclure, après cette présentation ?
Nous nous devons de dire quelques mots sur ce qui est le fruit de ce travail.
Tout d’abord cette présentation est un parcours, donc un regard pris à un moment donné,
dans une temporalité particulière, qui a été écrite à plusieurs. Il s’agit donc d’un travail
d’équipe, un travail mettant en jeu trois professionnels de formation différente.
Dire quelques mots de cette épreuve (celle de l’écriture, puis celle de la présentation de notre
travail) montre à quel point la pratique du P.F.T. nécessite la prise en compte de ce qui
s’appelle l’altérité8 : la différence à l’autre.
Différence entre chaque professionnel en premier lieu, venant d’horizons divers, puis
différence de tout un chacun, dans sa place d’enfant, de parents, de professionnels.
Cette réunion ne va pas de soi, et peut, dans certains cas, s’avérer explosive. Pour autant,
c’est dans une tentative de nouage, à notre manière que nous envisageons notre travail. C’est
ce dont nous avons voulu témoigner auprès de vous ce jour.
Un témoignage qui ne se veut en aucun cas une méthode, La méthode à suivre, comme de
nombreuses sirènes le chantent à notre époque sous la version de protocoles ou de
procédures.
Lorsque les sirènes chantent, il faut tenir la barre9. C’est ce que nous tentons de faire, tenir
la barre, afin de maintenir un cap que nous pensons cohérent, pour l’enfant. Lourd projet donc,
lourde responsabilité.
C’est la raison pour laquelle, la pratique qui est la nôtre se situe davantage dans un montage
singulier, au sens d’un tissage, au cas par cas.
Le P.F.T., quand il est proposé dans une souplesse dans les modalités d’accueil et de durée
prend sa valeur thérapeutique en tant qu’alternative et parfois équivalence de
l’hospitalisation.
La famille d’accueil n’est pas un hôpital en vrai, n’est pas un lieu institutionnel en tant que tel
mais c’est un lieu qui en prenant appui sur les dispositifs proposés devient un lieu de soins.
Notre travail s’inscrit de fait dans un questionnement constant permettant que le chemin se
dessine en même temps qu’il se pratique. L’accueil, le placement n’ont rien de naturel. Il nous
appartient (en tant que nous en avons la responsabilité) de faire en sorte qu’il reste humain,
un rapport entre humains.
Dépasser la pathologie ne signifie pas l’effacer, bien au contraire, il s’agit d’un faire avec en
tant que faire avec autrement, où le dispositif d’accueil familial reste un outil thérapeutique
d’actualité.
8
Altérité : en philosophie, qualité de ce qui est autre in Encyclopædia Universalis 2004.
9
Cf. le périple d’Ulysse dans l’Iliade et l’Odyssée d’Homère.
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 1
M. et Mme Latourte, J.-J. Vauchel, Parcours de Françoise
M. Y. et Mme C. Latourte,
Accueillants familiaux, Les Grands Ifs (76)
Jean-Jacques Vauchel,
Psychologue, Unité d’Accueil Familial Thérapeutique de l’Hôpital du Havre
« Parcours de Françoise »
Cette intervention à propos d’une patiente accueillie en lieu de vie se veut être une
intervention à plusieurs voix : - nous même, Mr Y. et Mme C. Latourte les responsables du
lieu de vie et Mr J.J Vauchel, psychologue et responsable de l’unité d’Accueil Familial
Thérapeutique pour adulte de l’Hôpital du Havre. Il évoquera pour sa part, la pathologie de
la patiente accueillie puis en parallèle à notre propos le fonctionnement de son service et les
diverses interactions entre le lieu de vie et l’équipe d’accueil familial.
Le Lieu de Vie et d’Accueil Les Grands Ifs est situé dans un château. Ce lieu de
vie travaille en étroite collaboration avec l’AFTA du Groupe Hospitalier du Havre filière
Santé Mentale, représenté ce jour par Mr Vauchel. Des rencontres hebdomadaires ont
lieu avec cette équipe afin de faire le point sur les résidents.
Description rapide du lieu de vie.
Les résidents font l’expérience de la communauté pour un retour dans la vie
sociale, en adhérent aux règles.
Ce groupe vit avec un système de règles cohérentes avec une attention
particulière de nous-mêmes et des employés pour répondre à tous leurs besoins. Chacun
recevra des responsabilités dans son secteur, apprendra à gérer ses émotions et ses
besoins même en situation de stress.
Jour après jour, la vie dans la communauté les amènera à s’accepter, à s’occuper
d’eux, à harmoniser leur vie dans le but de se préparer à l’intégration en société (pour la
première fois pour certains).
PRESENTATION DE FRANCOISE
Françoise a été hospitalisée en 1995 à l’age de 17 ans. Les années 1997 à 1999
furent difficiles, elle était extrêmement violente ce qui la conduisait en chambre
d’isolement. De 2000 à 2003 elle a fait des séjours dans une communauté thérapeutique.
Le 6 septembre 2005, elle a été présentée au château, son traitement comprenait de
fortes doses de neuroleptiques, anxiolytiques et antipsychotiques.
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 2
M. et Mme Latourte, J.-J. Vauchel, Parcours de Françoise
Anamnèse rapide (JJ V) : Cette patiente, Françoise, est âgée de 23 ans
lors de sa présentation à l’AFTA par son médecin psychiatre et les infirmières
référentes du pavillon.
Le tableau qui nous en est fait alors, mais aussi la réputation de la patiente qui
la précède au sein de l’institution nous fait penser que la prise en charge en famille
d’accueil parait pour le moins assez improbable !
Toutefois les éléments recueillis au cours de cette présentation ainsi d’ailleurs
que la vitalité de l’équipe référente du pavillon nous fait penser, à nous équipe de
l’AFTA, que même si l’enjeu est de taille, nous devions d’aller plus avant et au terme de
cette 1ere rencontre, proposer à Françoise un 1er entretien, en conformité avec notre
pratique, afin d’évaluer son adhésion personnelle avec le projet de soin élaborée avec
elle.
Présentation clinique rapide : Psychose infantile décelée a 3ans 1/2 en raison de
troubles du comportement.
Durant la même période il sera question de crises d’épilepsie avec convulsions et
coma. Elle sera en parallèle régulièrement suivie en CMP.
En raison d’une situation familiale qui interdisait le maintien à domicile (la mère
présentait un syndrome dépressif et le père un alcoolisme chronique) elle sera accueillie
en famille d’accueil.
A l’age de 7 ans, Françoise est placée dans une MECS, pendant 1 ans 1/2, puis
dans une autre institution en raison de ses troubles du comportement.
Dés lors, après un retour en famille entre 9 et 15 ans, durant laquelle elle suivra
une scolarité jusqu’en 3eme SEGPA, elle aura un parcours assez chaotique, rythmée
divers placements en institution.
A 15 ans, elle sera notamment placée dans un foyer de l’ASE, suite à des
problèmes d’agressivité.
Lors de ses divers placements, il est noté une grande variabilité dans le
comportement de Françoise, oscillant entre des phases où l’agressivité est au premier
plan et des phase où une insertion sociale set possible et investie (ex. : il est question
d’un stage de palefrenier en 1994).
Toutefois en 1995, l’aggravation de ses troubles du comportement, à caractère
violents, nécessite son hospitalisation en psychiatrie adulte, en placement pour mineur.
Dans le service elle présente dés lors une symptomatologie psychotique nette,
avec notamment un délire mal structuré, à thème de possession diabolique, avec des
hallucinations visuelles et auditives, des bizarreries de comportements, avec un contact
parfois fuyant et une ambivalence affective entraînant un comportement alternant des
phases de violences auto et hétéro agressives et enfin une recherche affective intense.
Lors de son hospitalisation il y aura des périodes de violences aigues qui aura pour
conséquence son hospitalisation en UMD.
L’évolution du traitement neuroleptique se fera progressivement, se traduisant
par une diminution puis une disparition du délire, entraînant par la même une disparition
de ses troubles du comportement.
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 3
M. et Mme Latourte, J.-J. Vauchel, Parcours de Françoise
Premier placement en communauté thérapeutique (lieu d’accueil de l’AFTA) en
2000, Il s’agit de courts séjours (1 semaine). 2 séjours au cours du 2eme semestre.
- 5 en 2001, dans le même lieu
- 3 en 2002
- 3 en 2003
En 2005 début de l’accueil dans le lieu de vie du Château.
LES PREMIERS SEJOURS
Françoise est âgée de 27 ans.
La durée des premiers séjours est de 3 jours.
Elle est très lente, son poids est aussi un handicap : 138 kgs. Elle est
envahissante et demande beaucoup d’attention. Avec diplomatie nous lui expliquons
qu’elle ne peut monopoliser la conversation et que les autres résidents ont aussi des
choses à faire partager. Au fil des séjours, un lien se créé et nous essayons de
combler son manque d’affection comme nous l’aurions fait pour une petite fille. Elle
attache beaucoup d’importance aux petits mots doux que nous lui attribuons (ma puce,
ma bichette ).
Réveiller Françoise le matin demande beaucoup d’énergie. Il faut s’y prendre en
plusieurs fois. Entre le moment où elle accepte de se réveiller et le lever, il faut
compter une heure en moyenne. Le temps peut paraître long mais nous essayons de la
réveiller en douceur.
Aussitôt levée, du fait de son énurésie nocturne quotidienne, Françoise doit
impérativement commencer par une douche. Elle n’aime pas faire sa toilette et préfère
dormir davantage plutôt que se laver. Elle reste longtemps sous la douche, laisse l’eau
couler sur sa tête, les yeux fermés, sans la force de se laver. Nous devons donc
intervenir pour l’aider à la toilette ainsi que pour s’habiller. Le temps de lui servir son
petit déjeuner, nous la retrouvons endormie devant son bol. Après avoir débarrassé son
petit déjeuner, nous l’invitons à changer les draps de son lit et ranger sa chambre
qu’elle a très vite personnalisée.
Il est ensuite l’heure de passer à table pour le déjeuner. Lors des repas,
Françoise se sert des portions considérables. Une fois le repas terminé, elle doit
participer à la vaisselle avec les autres résidents, chose qu’elle fait avec une extrême
lenteur. Elle intègre ensuite sa chambre pour y dormir jusqu’à 16H00, le réveil est moins
difficile que celui du matin.
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 4
M. et Mme Latourte, J.-J. Vauchel, Parcours de Françoise
Après le goûter, une marche dans le parc ou en ville lui est proposée, elle
l’accepte sans difficulté mais toujours à son rythme. Lors de ses promenades, elle est
seule avec l’un de nous pour privilégier ses échanges. Elle nous parle beaucoup de son
enfance et de son adolescence difficile. Nous la réconfortons du mieux que nous
pouvons. Au retour elle est épuisée et reste assise jusqu’au dîner. Elle se couche aux
alentours de 20H30.
Nous constatons au fil des séjours que Françoise dit des mensonges, identiques à
ceux d’un enfant, nous la corrigeons dans la même dimension.
Passionnée d’équitation mais trop forte pour monter à cheval, un cours d’attelage
lui est proposé lors de chaque séjour à la place d’une promenade. Nous lui laissons
entendre que si elle maigrit elle pourra monter à cheval.
Ce rythme a duré plusieurs mois car si au 3ème jour nous trouvions une légère
amélioration, elle disparaissait durant son hospitalisation.
Chaque année, Françoise demande de passer les fêtes de Noël et Jour de l’An au
château. Françoise les vit comme une petite fille émerveillée, nous la mettons dans la
confidence des achats des cadeaux des autres résidents, elle participe avec nous à
l’achat des décorations et de tout ce qui rend ces fêtes magiques.
JUIN 2007
Françoise est demandeuse pour prolonger son séjour au château, elle vit mal les
retours à l’hôpital. Elle obtient un refus de son psychologue à cause de son énurésie, il
attend un effort de sa part. Quelques séjours plus tard : disparition de l’énurésie du
jour au lendemain, Françoise dit avoir travaillé dans sa tête.
Nous ne manquons pas de la féliciter et de lui dire à quel point nous sommes fiers
d’elle. Pour l’occasion, nous lui offrons un restaurant.
Progressivement son traitement se trouve réduit par son Médecin psychiatre
réfèrent, du fait de son comportement plus apaisé.
De la même façon, compte tenu de ses progrès constants et de son
comportement ses temps de séjour sont prolongé, dans un premier temps à une semaine
et cela durant plusieurs mois puis à 10 jours, sauf exception : 3 semaines en août 2007
pour les vacances.
Au fil des mois le moment du réveil devient nettement moins difficile, deux voir
trois rappels suffisent. Elle descend directement déjeuner, toujours lymphatique mais
beaucoup moins qu’au début. Elle prend ensuite sa douche seule, se lave le corps, s’habille
et nettoie sa chambre. Il est environs 11H00 lorsqu’elle revient dans les pièces
communes où elle participe à la préparation des repas.
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 5
M. et Mme Latourte, J.-J. Vauchel, Parcours de Françoise
Mise en place des activités et des responsabilités. Sa passion nous amène à lui
confier la responsabilité et le soin de 5 chevaux. Cette activité s’ajoute à ses
occupations matinales. A présent, Françoise se lève entre 8H30 et 9H00 et sa matinée
est occupée à cent pour cent. A table, elle restreint ses portions, ce qui lui demande
beaucoup d’efforts. Après les repas elle participe plus activement à la vaisselle. Elle ne
souhaite plus se reposer l’après midi et est demandeuse d’activités.
JANVIER 2008
Elle s’est sentie très bien lorsqu’elle a quitté la psychiatrie pour un foyer.
Actuellement Françoise vient 10 jours au château, repart 3 jours dans un foyer du
Groupe Hospitalier du Havre « La barrière d’or » et revient 10 jours et ainsi de suite.
Françoise est transformée, son traitement est diminué de ¾ depuis son arrivée.
Elle est gaie, sociable et beaucoup moins envahissante qu’au début. Les mensonges se
sont estompés. Elle sait qu’elle a sa place dans le lieu de vie et que nous sommes
tous attachés à elle.
Elle occupe ses journées sans se recoucher, préfère être occupée plutôt que ne
rien faire à l’inverse des premiers séjours. Nous mettons en application son expérience
acquise à l’école de couture et lui confions tous nos vêtements à retoucher ou autre.
C’est avec fierté qu’elle manipule la machine à coudre achetée spécialement pour elle. La
encore, nous ne manquons pas de la remercier et de la féliciter de son travail.
Elle est motivée par sa perte de poids 20 kgs. Elle fait davantage d’exercices
physiques. Ses déplacements sont beaucoup plus rapides. Son hygiène corporelle
quotidienne est devenue habituelle et n’est plus contraignante. Elle change de vestiaire
pour des vêtements plus coquets et commence à se maquiller.
Elle peut aujourd’hui monter à cheval ce qui lui procure un bien fou et une grande
fierté. Elle souhaite intégrer un groupe dans un centre équestre pour des cours
collectifs. Elle commence dans quinze jours.
Les années passées, lorsque Françoise partait en vacances, elles se déroulaient
obligatoirement dans un centre spécialisé. Cette année, à sa grande joie, avec deux
autres résidents et moi même, elle a choisi son lieu de vacances et a opté pour la
location d’un mobil home dans un terrain de camping aménagé. Depuis plusieurs semaines
elle épargne pour pouvoir dépenser davantage en vacances.
Quant à son traitement, elle le gère parfaitement, est consciente de l’importance
de la prise de ses médicaments et préparent elle-même ses piluliers.
Les parents de Françoise sont décédés durant son hospitalisation. La relation
avec son frère a repris depuis peu. Elle y est invitée un week-end par mois à sa grande
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 6
M. et Mme Latourte, J.-J. Vauchel, Parcours de Françoise
joie. Elle est très fière de lui et de sa réussite professionnelle. Sa belle sœur a
également pris une grande place dans sa vie.
Aujourd’hui, Françoise se projette dans le temps. Parle de ses projets
d’appartement, d’aménagement de celui-ci, de sa situation géographique. Ses efforts ont
été considérables et toujours présents. En plus de prendre soin d’elle, elle s’intéresse
aussi aux autres. Elle est serviable et agréable envers tout le monde. Elle est très
attentionnée à deux personnes âgées qui intègrent le lieu de vie et veille à ce qui ne leur
manque jamais rien. Elle aime les gens qui l’entourent et ils le lui rendent bien.
Prochainement elle revoit son psychiatre et nous a fait part de son souhait de continuer
à baisser son traitement.
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 1
Mme Benzidane, « Profession accueillante familiale »
Meriem BENZIDANE
Accueillante familiale, Roissy en Brie
« Profession accueillante familiale »
Faire en quelques lignes le discours d'une vie bien remplie, auprès de patients si
différents dans leur vécu. Rassurez-vous, je ferai court.
Cette profession, je ne l'ai pas choisi car je ne la connaissais pas. J'ignorais son
existence. Il est vrai que la A.F.T. reste méconnu tant dans sa manière de
fonctionner que l'intérêt qu'elle suscite auprès du public.
Les personnes extérieures à la profession n'imaginent pas que des patients ayant
des antécédents psychiatriques puissent être intégrés dans le quotidien d'une
famille d'accueil sans pour cela s'interroger sur les dangers compte tenu de leur
pathologie.
Le mot « psychiatrie » fait peur. J'explique autour de moi que ces personnes
fragilisées ont un suivi médical, traitement adapté, donc stabilisé.
Leurs problèmes, nous pouvons tous les rencontrer à un moment de notre vie. Rien
n'est dû au hasard, l'environnement familial, professionnel parfois sont souvent
déclencheurs de la déstabilisation d'un être déjà fragile. Plus de repères, ils
perdent tout contrôle et sont souvent déconnectés de la réalité.
Cette fragilité remonte à l'enfance. L'entourage ne détecte parfois pas le mal-être.
Pris par leurs propres préoccupations, les proches ne se rendent pas toujours
compte des messages envoyés qu’ils ne décodent pas.
Incompris, le patient se renferme sur lui-même, se crée un monde, un univers où
personne d’autre ne communique pas ou plus. Tristesse, mélancolie ou agressivité
sont des signes avant-coureurs. La dépression fait leur quotidien, l'hôpital est un
recours pour soigner les bleus de l’âme. L’accueil familial est un recours à la
guérison. Afin d’emmener le patient vers l'insertion... ou peut-être pas.
Les rechutes sont fréquentes quand l'émotion est trop difficile à gérer, le
placement est le meilleur moyen pour la thérapie.
Les changements de comportements sont flagrants, quand les cas difficiles étaient
considérés comme désespérés.
Une relation s'installe, ils reprennent confiance peu à peu.
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Mme Benzidane, « Profession accueillante familiale »
L'encadrement : l’équipe et la famille sont essentielles pour le bon fonctionnement
du placement.
La confiance entre toutes les parties est « primordial » le soutien de l'équipe en
toute circonstance est « vital » pour préserver la famille accueillante.
La fonction de l'hôpital est de soigner le patient et aussi de veiller à l'équilibre de
la famille d'accueil. Le retour à l'hôpital n'est pas toujours une solution. L'équipe
très compétente et humaine pour parer au plus urgent, recadrer le patient sans
pour cela prendre une décision hâtive ou radicale dans l’intérêt de chacun.
Dans mon travail, j'ai rencontré des difficultés au quotidien que j'ai réglées à ma
manière.
À la maison, des règles élémentaires sont instaurées pour le bon fonctionnement.
J'ai vécu des moments intenses avec les patients qui m'ont été confiés depuis de
nombreuses années (15 ans). Toutes sortes de pathologie : alcoolique, autiste léger,
maniaco-dépressifs...
Attachant, distant, en quête d'affection, en recherche de chaleur humaine tout
simplement. Toutes les classes sociales sont touchées, toutes les professions.
Artiste, fonctionnaire, médecin psychiatre, ouvrier, personne n'est épargné.
Des anecdotes : des nuits blanches, des fugues, des nuits au commissariat, aux
urgences hôpitaux, tentative de suicide, accompagnement dans une longue maladie.
Douloureuses soit, mais il en ressort de belles leçons de vie.
Sans domicile fixe et alcoolique :
Dont personne n'aurait voulu.
Ce monsieur portait dans son regard tant de souffrance que j'en étais touchée. Une
visite à domicile pour faire connaissance. Je savais la réaction de chacun des
membres de ma famille qui se demandait même si « j'étais saine d'esprit ». Malgré
tous les arguments, je ne pesais pas lourd dans la balance. Mari et enfants se sont
ligués contre ma décision. J’ai souhaité faire un essai avant de décider. Je savais au
fond « que j’avais raison ». <l’essai se fait, j’accepte le placement. Personnellement,
son statut de sans-domicile fixe ne m’a pas effrayé. Ma famille « franchement oui »
je vous laisse imaginer
pourquoi. Le temps de faire connaissance, on passe aux choses sérieuses.
Relooking, j’avais une journée pour épater la famille et leur prouver que j’avais
raison. Une métamorphose garantie Le soir venu, la réaction de chacun ne s’est pas
fait attendre. Je n’étais pas peu fier du changement.
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Mme Benzidane, « Profession accueillante familiale »
À ce monsieur, j’ai seulement redonné l’apparence humaine, sa dignité qu’il avait
égarée en chemin. Il disait avoir passé ses plus belles années chez nous. Aujourd’hui,
je dis que c’est ma plus belle réussite dans le placement A.F.T.
Autiste que l’on croyait fugueur :
qui en réalité était désorienté dès lors que sa trajectoire était modifiée. Il partait
pour Paris mais ne savait pas revenir. Pendant six ans « j’ai tout essayé en vain ». Il
y a quelques mois, j’étais sur le point de mettre fin au placement. Mais je ne baisse
pas les bras si facilement, je n’aime pas les échecs, je suis donc donner une autre
possibilité non explorée.
Un dernier essai en sorte. J’ai expliqué au patient, sans être sûr d’être comprise
que j’étais fatiguée, épuisée de passer des nuits à attendre son appel en pleine nuit
pour aller le chercher. Je lui dis que dorénavant il fallait qu’il se débrouille tout seul
pour revenir à la maison. Je n’irais plus à sa recherche, qu’ils demandent sans chemin
à des passants qui lui indiqueront la direction puisqu’il a nos coordonnées. J’étais
décidée dans mon discours à tenir bon. Un jour, il part pour Paris Mais à 20 h je
vois arriver G.. Je reste sans voix. Il est là devant moi, souriant quand moi je reste
surprise par l’exploit. Je le questionne afin de savoir comment il s’est débrouillé
pour arriver jusqu’à la maison.
As-tu demandé ton chemin comme je te l’avais demandé ?
Il me répond : non ! Je sais revenir !
Comment tu savais ! Et toutes ces années où je venais te récupérer. C’était
quoi ?... Quelque chose s’est déclenché. Le temps sûrement, la patience sans
doute, la volonté vous donne souvent raison.
Un patient indépendant :
N’acceptant pas les règles mises en place pour l’A.F.T. Départs violents et
volontaires. Qu’il regrette aussitôt. Après son départ, il supplie qu’on le reprenne.
Plusieurs départs, nous étions déstabilisés et décidons de cesser le placement.
Mais un dernier essai accepté par toutes les parties. L’équipe a proposé un contrat à
court terme pour que le patient ne se sente pas enfermé.
Génial ! Aujourd’hui, le patient sollicite lui-même un contrat à plus long terme pour
être assuré qu’il restera chez nous.
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Énormément de situations pour chaque patient, drôles quelquefois, douloureuses
parfois. Mais toujours une issue adaptée. Les solutions se trouvent sur l’instant
dans le calme, la sérénité pour ne pas perturber l’environnement familial.
Une patiente fait une TS :
Rien ne présageait un tel acte une journée ordinaire Le lendemain matin, étonnée
de ne pas la voir se réveiller, je monte, frappe à sa porte, pas de réponse J’entre
donc. Elle dort profondément Je ressors Mais reviens à la charge cinq minutes
plus tard. Étonnée tout de même. J’ai, comme un déclic et là je réalise qui se passe
quelque chose. Je prends les mesures qui se doivent. Les pompiers, l’équipe pour la
prévenir de la situation Pendant ce temps, ma fille de huit ans à l’époque me fait le
récit de la veille. Elle me dit avoir aperçu la patiente entrer dans la salle de bains
avec des médicaments dans la main. J’en fais part aux pompiers, je fouille dans la
corbeille de la salle de bain, trouve des boites vides. Les pompiers font un constat,
nous rassurent sur l’état de santé de la patiente. Elle s’en sort avec un lavage
d’estomac Je venais d’apprendre dans cette épreuve que ma fille du haut de ses
huit ans, observe, remarque autour d’elle les faits et gestes des occupants de la
maison sans pour cela épier. On ne peut pas être partout, on ne peut pas tout voir,
tout entendre. Instinctivement, elle venait de pratiquer la fonction de A.F.T. sans le
savoir.
Le quotidien du patient dans notre famille ou une journée type :
Un règlement est mis en place, ce qui est autorisé, les interdits, quelques menues
tâches sont demandées aux patients.
Participation à l’entretien de la chambre, courses, être le plus autonome possible.
Préparation de leur petit déjeuner, dresser et desservir la table, sortir les
poubelles, chacun sa tâche. Je sollicite leur aide le plus souvent possible. Ils
prennent tant l’habitude qu’ils le font avec plaisir, heureux de rendre service et de
se sentir utile.
Au commencement de la pratique de ma fonction, je m’étais fais un schéma bien
structuré afin de tenir une ligne de conduite pour les futurs placements.
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Mme Benzidane, « Profession accueillante familiale »
Les à faire, et -à ne pas faire
Pas d’amalgame entre ma vie de famille et ma future vie de famille d’accueil.
Je découvre un lourd passé, je comprends et réalise pourquoi des êtres se
fragilisent devant un tel parcours.
Je me surprends à apprécier ma propre vie.
-Est-ce que cela peut m’arriver ?
-Est-ce que je saurai faire face, si je touchais le fond
Je retrace mon passé, FLASH BACK !...
J’ai vécu des secousses, des tempêtes aussi, des ouragans même, des cyclones
beaucoup, tous traversés à contre courant et je suis là devant vous à vous faire
des confidences. Aujourd’hui, je relativise en comparaison d’autres situations.
Il faut avoir un passé pas simple pour être accueillante et pour bien comprendre
l’autre.
Il vous faut une dose de : maladie grave au sein de votre famille, pas une grippe
ou une bronchite mais une belle malformation congénitale qui provoque un séisme
de 10 sur l’échelle, dans tout votre être.
Quand vous revenez à la réalité, vous avez subi des dégâts corporels et mentaux
à un tel point que vous venez de toucher les abîmes. « Bienvenue à la réalité ».
Je ne bois pas, ne fume pas, ne me drogue pas mais dans cet état, cela ferait
sûrement du bien !!!...
Je suis intransigeante devant tous ces artifices. Dans cette situation, c’est
peut-être le moment d’essayer une évasion car mon corps souffre, mon cerveau
est déconnecté de la réalité
Je suis en plein vol J’ai trop de caractère, dommage, pour succomber.
La tentation est séduisante, s’échapper, oui mais combien de temps. Est-ce que
je saurai maîtriser la situation ? J’ai la faiblesse de croire que non.
A cette réponse, mon fichu caractère reprend le dessus. Pas question de tomber
dans la facilité. Je décide de prendre ma vie à bras le corps, sans faire appel à
ses amis qui me voudraient tant de bien
« La médication ».
Je nagerai à contre courant s’il le faut. Il le faudra bien mais je ne toucherai pas
le fond mais la rive. Fini de verser des seaux de larmes, j’ai été tiré au sort pour
vivre cette vie. Merci pour le cadeau.
J’en ai eu beaucoup de beaux cadeaux de la vie, j’ai appris à les apprécier sous
toutes leurs formes : du genre empoisonné, acidulé, amer ou sucré, de courte
durée mais de tous j’ai tiré des leçons de vie qui ont fait de moi ce que je suis
aujourd’hui. Debout devant vous !
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Mme Benzidane, « Profession accueillante familiale »
Mes douleurs d’hier me font compatir à la douleur des patients, en comparaison,
je n’ose plus me plaindre.
Sa propre douleur ne se mesure pas à la souffrance de l’autre. C’est ainsi
pourtant que j’ai appris à relativiser. Pour se sortir du gouffre, regarder si
l’autre est moins bien loti que vous.
Ce parcours fait une famille d’accueil prête à relever tous les défis.
Conclusion :
L’intégration d’une personne étrangère à notre famille se fait naturellement.
Un lien se créer, j’ai les mêmes inquiétudes pour mes patients lors d’une absence
prolongée, une maladie que pour ma propre famille. Il en est de même pour notre
entourage proche qui prend des nouvelles des patients sans distinction de parenté.
C’est aussi cela l’accueil familial. Cette expérience nous a tous changé.
Données c’est si peu de chose
Recevoir c’est beaucoup
Humainement c’est énorme
Cela n’a pas de prix.
Mot d’accueil congrès 2008
C’est avec beaucoup de plaisir qu’au nom de l’ensemble de l’équipe du GREPFA et du comité
d’organisation je vous souhaite la bienvenue à ce 8ème congrès du GREPFA.
Après quelques escapades provinciales, d’Annecy aux Sables d’Olonne en passant par Marseille, Lyon
ou Nantes, nous revoici à Paris, ville chargée d’histoire et de modernité, lieu de rencontre et de
diversité. Nos échanges autour de l’accueil familial thérapeutique, de ses indications et de ses
évolutions y trouveront donc naturellement leur place.
De même, nous retrouver au Centre Hospitalier Sainte-Anne pour évoquer ces questions nous a
semblé cohérent tant l’histoire et l’évolution de la psychiatrie y sont associés.
Le GREPFA s’est donné pour mission depuis ses début en 1986, de soutenir et de promouvoir cette
modalité de soin originale et riche qu’est l’accueil familial de personnes, enfants et adultes, en
souffrance psychiques. Dans cette perspective et afin de nous rendre plus accessible, l’association
s’est dotée d’un site internet, pour partie encore en construction, sur lequel vous pourrez accéder à
l’ensemble des travaux élaborés à l’occasion des précédents congrès du GREPFA.
Dans la même dynamique de proximité nous nous sommes associés ces deux dernières années à des
dynamiques plus locales ou régionales en participant à des rencontres inter-établissements autour
de l’AFT, dans le Nord-Pas de Calais, en Isère ou à Paris, et nous souhaitons développer ces
rencontres en les impulsant ou en les soutenant.
Je profite d’ailleurs de cette tribune, pour vous inviter à assister, en fin d’après-midi, à notre
assemblée générale et à l’apéritif qui suivra : nous pourrons échanger plus longuement sur ces
perspectives et faire davantage connaissance.
Fidèles aux traditions des congrès du GREPFA ces journées sont placées sous le signe des échanges et
des rencontres entre personnes concernées par l’accueil familial. Après les 3 interventions
introductives de cet après-midi, nous travaillerons demain matin en ateliers à partir des
présentations réalisées par des équipes aux provenances multiples et aux pratiques diverses. [Merci
de vous inscrire dans les ateliers qui vous intéresse lors de la pause de tout à l’heure sur les paper-
boards situés dans le hall]. Afin de bénéficier du travail de chacun nous consacrerons un bon temps
vendredi après-midi à une restitution de ces ateliers.
Le thème qui nous réunit aujourd’hui, les indications en AFT, pourrait se décliner pour d’autre outils
du soin en psychiatrie tant la mouvance actuelle est, au mieux, à la ré interrogation des pratiques et
des philosophies du soin, au pire à leur maltraitance par des démarches itératives de gestion et de
protocolisation à tout va. Dans un tel contexte de recomposition générale de la vie hospitalière, de
son organisation, voire de ses missions, qu’en est-il de ces pratiques, a fortiori de l’accueil familial, à
la marge du soin traditionnel, repérable, quantifiable et gérable ?
Par ailleurs, depuis les colonies familiales et les déplacements de patients vers les campagnes pour
vider les hôpitaux psychiatriques, l’accueil familial thérapeutique a bien évolué : comment
déterminer aujourd’hui le caractère « positif » de l’indication d’accueil familial thérapeutique ?
Quelles formes l’AFT prend-il en 2008 et avec quelles visées thérapeutiques ? Comment évaluons-
nous ces indications selon que nous soyons soignants ou famille ? Qu’en pensent les premiers
intéressés, les personnes accueillies elles-mêmes ?
Je profite d’ailleurs de ce petit temps d’introduction pour souligner le plaisir qu’a été pour nous, au
GREPFA, de travailler à l’élaboration de ce congrès avec les équipes de Sainte-Anne et plus
particulièrement avec Mme Dominique Triquennaux et le Dr Alberto Velasco. Relais sans faille de
l’enthousiasme et de l’intérêt pour l’AFT des équipes médicales et soignantes de psychiatrie du
CHSA, je tenais à vous adresser mes plus chaleureux remerciements dès ces premiers instants de nos
journées.
Nous remercions également sincèrement M. Chassaniol, directeur du CHSA de nous accueillir au sein
de ce lieu illustre ainsi que Mme Istria et son équipe à la direction de la communication qui
contribuent également à la réussite de ces journées.
De même nous remercions le laboratoire Lilly ainsi que les laboratoires Bristol-Myers Squibb et
Otsuka Pharmaceutical France de leurs soutiens.
Avant de laisser les intervenants du jour ouvrir le bal, il ne me reste plus qu’à vous souhaiter, selon
l’expression consacrée, de fructueuses réflexions, et beaucoup de plaisir à celles-ci.
Merci de votre attention.
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